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Tournons la page ! Pas de démocratie sans alternance !

5 avril 2015

Tournons la page !

Sortie du rapport ‘En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance’

Régis Marzin, 5 avril 2015

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Le 1er avril 2015, à Paris, au Centre ‘Sèvres – Facultés jésuites’, la campagne ‘Tournons la page’, campagne internationale pour l’alternance en Afrique, présentait son rapport En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance.

La campagne a démarré le 15 octobre 2014 par le lancement d’un appel, signé par de nombreuses personnalités et organisations, qui insistait sur la nécessité du respect de la limitations du nombre de mandats présidentiels et le respect des constitutions.

La révolution du Burkina Faso, puis les mobilisations au Congo Kinshasa lui ont donné raison. En 2014, la question est aussi devenue centrale pour la communauté internationale et Ban Ki-Moon s’est exprimé officiellement sur le sujet au sommet de l’Union africaine le 30 janvier 2015.

Tournons la page a lancé son plaidoyer à Paris et à Bruxelles début février 2015. Mgr Fridolin Ambongo et l’Abbé Santedi de la commission Justice et Paix de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO), de la République Démocratique du Congo, ainsi que Brice Mackosso, le secrétaire général de la commission Justice et Paix de Pointe-Noire a pour le Congo Brazzaville, ont été invités à Paris et ont pu rencontrer des représentants du gouvernement et de la présidence française. L’église catholique congolaise a alors réclamé un soutien européen à la démocratie en Afrique.

Le mercredi 1er avril, pour la publication de son rapport, la campagne organisait une conférence ‘L’Afrique tourne-t-elle la page des dictatures ?’ où sont intervenus, Christian Mounzéo, de la Rencontre pour la Paix et les Droits de l’Homme-RPDH, du Congo Brazzaville, Jean-Marc Bikoko de la Centrale Syndicale du Secteur Public (CSP) au Cameroun, Marc Ona Essangui, de ‘Publiez ce que vous payez’ et de ‘Çà suffit comme çà !’ au Gabon, Brigitte Améganvi de Synergie Togo, à Paris, Jean Chrysostome Kijana, de la Nouvelle Dynamique de la Société Civile en RDC, et l’animateur de la soirée, Jean Merckaert, de la revue Projet.

D’autres personnalités étaient également présentes à Paris cette semaine pour participer à des ateliers d’organisation interne de la campagne et intervenir dans les media, dont, Brice Mackosso du Congo Brazzaville et l’abbé Gamaliel du Burundi.

Les intervenants ont présenté la situation dans les différents pays en insistant sur la longévité excessive des présidents ou des familles en cas de père et fils, les caractères dictatoriaux des régimes, « l’accaparement du pouvoir et des richesses », les aspirations démocratiques des populations, en particulier des jeunes.

Une carte des « coups d’Etat constitutionnel » en Afrique, potentiels, échoués ou réussis, a été présentée au public. Le terme de « coup d’Etat » est employé dans un sens très large, pas dans le sens d’une prise de pouvoir mais dans le sens d’un maintien au pouvoir, au travers d’une modification de la constitution pour supprimer une limitation du nombre de mandats. Cela a été tenté en 2014 au Burkina Faso, au Congo Kinshasa, et au Burundi, où le président essaye encore d’imposer un troisième mandat, et cela se prépare encore pour 2016 au Congo Brazzaville. L’expression ainsi définie permet aussi de constater que ces « coups d’Etat constitutionnel » ont déjà réussi au Tchad, au Cameroun, au Gabon, à Djibouti et au Togo.

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A la question des attentes vis-à-vis de la communauté internationale, entre « ne pas nuire » et « influence positive », les réponses sont diverses. Marc Ona dénonce la « diplomatie des affaires », et un « coup d’Etat par la biométrie » avec l’aide de l’entreprise française Gemalto, rappelant le coût de la biométrie, 60 millions d’Euros pour 600 000 électeurs. Pour Christian Mounzéo, du Congo Brazzaville, « la communauté internationale peut jouer un rôle proactif » et « l’aide européenne doit être bien gérée ». Selon la togolaise Brigitte Améganvi, elle « intervient seulement si la population a fait l’essentiel ». Jean-Marc Bikoko pense que le Cameroun a été historiquement victime de la communauté internationale depuis les années 60, et que « si un peuple n’est pas mûr, il faut le laisser murir », et, pour se faire, « le sensibiliser et le conscientiser ». Jean Chrysostome Kijana indique, lui, qu’au Congo Kinshasa « les pressions internationales doivent continuer » en raison des craintes concernant les processus électoraux.

Le débat avec la salle a permis d’évoquer rapidement des pays dont la société civile n’arrive pas à s’organiser suffisamment pour participer à une coalition internationale comme celle de Tournons la Page, le Tchad et la Guinée Equatoriale, en particulier. La situation dramatique du Tchad et le soutien du pouvoir français à Idriss Déby depuis 2012 ont été rappelés. Djibouti  a aussi été évoqué.

La présentation du rapport s’est terminée par un clin d’œil à l’alternance réussie au Nigéria le week-end précédent au travers d’un « goodbye and good luck » à une longue série de dictateurs inamovibles. La déclaration a insisté sur la nécessaire protection des acteurs démocratiques et sur « les militants congolais de Filimbi, une campagne pour la sensibilisation des jeunes à la citoyenneté, qui ont fait l’objet d’une arrestation arbitraire à Kinshasa par les forces de l’ordre le 15 mars 2015 (et) qui sont tenus au secret. »

Dans un communiqué publié le lendemain, Tournons la Page a précisé un point essentiel: « Si les coups d’Etat militaires sont, désormais, unanimement condamnés par la communauté internationale, l’Afrique en connaît d’autres qui ne disent pas leur nom. Quand un régime se maintient au pouvoir au mépris du principe d’alternance prévu dans les textes, ce sont de véritables putschs contre les institutions, à reconnaître et à sanctionner comme tels. »

Le rapport se conclut par les recommandations de la campagne selon 8 thèmes: « Rendre possible l’alternance démocratique, Assurer la tenue d’élections libres, équitables et transparentes dans les délais prévus par la Constitution, Garantir les conditions d’exercice de la démocratie, Rééquilibrer les priorités, portées sur la sécurité et le développement économique en Afrique, en faveur du soutien à la démocratie et à l’État de droit, Prendre clairement position contre toute modification constitutionnelle de convenance et toute autre manœuvre visant à contourner les limitations de mandat, Encourager et protéger les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits, Soutenir des processus d’élections libres et transparentes et, au besoin, les accompagner, Promouvoir le projet de création d’une cour constitutionnelle internationale. »

En attendant les prochaines étapes de la campagne, en avril 2015, l’urgence est au Togo : la présidentielle est censée se tenir le 25 avril mais l’opposition  politique réunie dans la coalition Cap 2015 dénonce le 2 avril la « corruption du fichier électoral » qu’elle estime « à environ 30% du corps électoral », et « exhorte les experts de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), à prendre le temps nécessaire pour effectuer en toute transparence une vraie mission d’audit approfondie et à ne pas cacher au peuple togolais et à la communauté internationale l’ampleur des anomalies découvertes lors de leurs vérifications approfondies. »

Régis Marzin, Paris, 5 avril 2015

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Déclaration de la campagne « Tournons la Page »

1er avril 2015, Paris

Nous, citoyens d’Afrique et d’Europe mobilisés contre la confiscation des pouvoirs au sud du Sahara, nous sommes réunis, en ce 1er avril 2015, pour lancer un rapport dont le titre délivre un message universel : « En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance ». Nous appelons toutes les forces non-partisanes et non-violentes, citoyens, artistes, intellectuels, responsables religieux, associations, syndicats, à nous rejoindre.

Notre première pensée va à tous les militants, les défenseurs des droits, qui prennent tous les risques pour défendre ou conquérir la démocratie. Nous pensons, en particulier, aux militants congolais de Filimbi, une campagne pour la sensibilisation des jeunes à la citoyenneté, qui ont fait l’objet d’une arrestation arbitraire à Kinshasa par les forces de l’ordre le 15 mars 2015, qui sont tenus au secret et dont nous sommes sans nouvelles aujourd’hui. Nous demandons aux autorités congolaises leur libération immédiate et inconditionnelle, et nous attendons de l’Union africaine et de la diplomatie internationale qu’elle mette tout en œuvre pour obtenir cette libération et leur liberté d’action.

Ce 1er avril est un jour historique pour l’Afrique : le pays le plus peuplé du continent, le Nigeria, a connu la première alternance démocratique de son histoire. Le président sortant, Goodluck Jonathan, qui pourtant ne faisait pas l’unanimité, est aujourd’hui salué comme un héros. Un homme qui a eu le courage de nommer des personnalités indépendantes à la tête de la Commission électorale. Un démocrate qui a eu la force de reconnaître sa défaite et de féliciter son adversaire. L’Histoire retiendra de lui cet acte fondateur pour le Nigeria.

A Gooldluck Jonathan, nous voulons dire goobye, and goodluck.

Ce message, nous voulons aussi l’adresser à tous ceux qui, aujourd’hui, prennent la population de leur pays en otage. Messieurs les chefs d’Etat, ne vous accrochez pas au pouvoir, écoutez la colère de vos concitoyens :
Faure Gnassingbé, 88% des Togolais n’ont connu que votre père et vous au pouvoir, goodbye and good luck !

Ali Bongo, 87% des Gabonais n’ont connu que votre père et vous au pouvoir, goodbye and good luck !

José Eduardo Dos Santos, 78% des Angolais n’ont connu que vous au pouvoir, goodbye and good luck !

Yoweri Museveni, 76% des Ougandais n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Teodoro Obiang Nguema, 76% des Equato-Guinéens n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Paul Biya, 76% des Camerounais n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Denis Sassou Nguesso, 69% des Congolais sont nés quand vous étiez déjà vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Robert Mugabe, 67% des Zimbabwéens n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Idriss Déby, 66% des Tchadiens n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Omar El-Béchir, 66% des Soudanais n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Issayas Afeworki, 59% des Erythréens n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Yahya Jammeh, 57% des Gambiens n’ont connu que vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

Joseph Kabila, 53% des Congolais n’ont connu que votre père et vous au pouvoir, Goodbye and good luck !

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Communiqué de presse ‘Tournons la Page’

2 avril 2015

Le monde s’était habitué à regarder l’Afrique comme un lieu indistinct de populations passives, à secourir ou à exploiter. De longue date, et dans chaque pays, les aspirations démocratiques y sont vives, mais on les passait sous silence, à l’instar des manifestations réprimées au Togo en 2005, au Cameroun en 2008, en Ouganda en 2011. Après les mobilisations victorieuses au Sénégal (2012), au Burkina Faso (2014), en République démocratique du Congo (janvier 2015), le monde devra l’entendre : les citoyens d’Afrique veulent tourner la page des régimes autoritaires. Et prendre leur destin en main.

CLASSEMENT : 88% des Togolais et 87 % des Gabonais n’ont jamais connu qu’une seule famille au pouvoir… Seule la Corée du Nord fait pire ! Si de nombreux pays d’Afrique souffrent de l’absence d’alternance, ce n’est pas une question de culture, comme voudraient le faire croire les dictateurs. Ce sont des systèmes politiques organisés autour de l’accaparement du pouvoir et des richesses. Dans ce système, qui profite aux dirigeants en place et à leur clientèle, mais aussi à bien des États et des investisseurs étrangers, la population est prise en otage. Leur libération doit devenir la tâche de tous.

Si les coups d’Etat militaires sont, désormais, unanimement condamnés par la communauté internationale, l’Afrique en connaît d’autres qui ne disent pas leur nom. Quand un régime se maintient au pouvoir au mépris du principe d’alternance prévu dans les textes, ce sont de véritables putschs contre les institutions, à reconnaître et à sanctionner comme tels.

Prétendre démocratiser des régimes autoritaires par d’amicales pressions étrangères relève, au mieux, de l’illusion. Car la démocratie est affaire de conquête. Un peu partout au sud du Sahara, les sociétés civiles l’ont compris, manifestant, parfois au péril de leur vie, une soif irrépressible de liberté. Voilà les démocrates qu’il nous revient, en Afrique comme en Europe, de soutenir et de protéger.

Nos recommandations s’adressent aux détenteurs du pouvoir, mais aussi à la communauté internationale et aux candidats qui veulent incarner l’alternance.