Processus électoraux en Afrique, synthèse technique et politique (résumé)
Processus électoraux en Afrique et en régime non-démocratique en Afrique
Synthèse technique et politique
Régis Marzin, Paris, 12 avril 2018 (26 pages)
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Résumé du dossier du 4 février 2018 (53 pages) :
‘Processus électoraux dans la démocratisation de l’Afrique, Synthèse technique et politique’
Régis Marzin, journaliste et chercheur indépendant, Paris
Vidéos : 18 et 30 avril 2018 : Processus Electoraux avec Laurence Ndong : 1ère partie et 2nde partie, 27 avril 2018 : Processus électoraux avec Makaila Nguebla : vidéo (+photo)
Sommaire
1.1 Qualité des processus électoraux dépendant du type de régime. 2
1.2 Règle des élections en dictature stable. 4
1.3 Les exceptions à la règle des élections en dictature stable. 5
1.4 Présidents non « élus » en dictature stable. 6
1.5 Prévision de la qualité des processus électoraux selon la nature des régimes. 6
2.1 Méthode d’analyse détaillée d’un processus électoral en Afrique. 9
2.2 Classification des processus électoraux en dictature et dans tous types de régime. 9
2.21 Classification des processus électoraux en dictature stable. 9
2.22 Techniques principales de détournement du processus électoral en amont 11
2.24 Classification des processus électoraux quel que soit le type de régime. 16
3.1 Distinction entre dictatures stables, démocraties et autres régimes. 17
3.2 Limitations du nombre de mandats présidentiels dans les constitutions. 18
3.3 Missions d’observation électorales internationales et africaines. 19
3.31 Missions d’observation électorales européennes. 19
3.32 Autres missions d’observations internationales. 22
3.33 ‘Missions d’observation’ de l’Union africaine. 22
3.4 Prise en compte politique des processus techniques fonction d’un historique. 22
Annexe : Recommandations à l’Union européenne et au SEAE.. 25
Introduction
Dans les années 90, les élections en multipartisme sont arrivées alors que des corrections ultérieures de dysfonctionnements semblaient possibles. L’association des élections et de l’absence de démocratie et d’Etat de droit a, par la suite, renforcé des régimes non-démocratiques, qui sont devenus progressivement très résistants aux actions de démocratisation, tout en s’intégrant plus facilement dans les relations internationales, en l’absence de vigilance sur la légitimité des représentations électives. Dans certains pays, les processus électoraux sont ainsi passés de facteur de démocratisation à facteur de renforcement de régimes non-démocratiques et de limitation des libertés. Cet échec d’apparence paradoxale n’a jamais été assumé, comme si une étape de transition historique restait en suspens.
La compréhension des processus électoraux avance peu. La réalité des différents types de régimes politiques organisateurs des scrutins est niée. Il aurait été plus simple de s’intéresser dès le départ, dès le début des années 90, politiquement, aux processus électoraux, sous leurs aspects techniques et politiques autour de la technique. Pendant 28 ans, malgré l’avancée du processus de démocratisation continental, les tensions n’ont fait qu’augmenter. Dans les dictatures stabilisées depuis trop longtemps, des dirigeants et leurs clans sont prêts à tout pour échapper à un rendez-vous avec l’histoire qui leur sera fatal. Ils développent des stratégies de désinformation sur les processus électoraux qui intoxiquent les relations internationales.
Cette étude, dans cette version ici résumée, propose une synthèse sur les processus électoraux en Afrique. Elle propose une manière d’aborder les processus électoraux qui permettent d’envisager la fin des fraudes et détournements, en même temps que la fin d’un mensonge qui a sans doute déjà assez duré.
1. Elections selon le type de régime et règle des élections en dictature stable
1.1 Qualité des processus électoraux dépendant du type de régime
La qualité des processus électoraux dépend de la nature des régimes[1]. Elle en dépend beaucoup plus que des faits observés sur ces processus électoraux[2]. L’évolution de la nature des régimes correspond aussi à l’histoire électorale de chaque pays depuis 1990. Parler des élections en Afrique nécessite de considérer la nature de chaque régime autour de chaque dirigeant[3]. En outre, secondairement, la qualité et le niveau de l’Etat de droit permettent en grande partie un contrôle de la qualité des processus électoraux. Le lien entre niveau d’Etat de droit et types de régime induit en partie également la relation entre qualité des processus électoraux et types de régime.
Une certaine propagande autour des élections en dictature vise à inverser la perception de la logique de la réalité, en faisant croire que les élections même contestées font la démocratie alors qu’en réalité, les détournements de processus électoraux correspondent au critère principal de distinction des dictatures.
Depuis 1990, la persistance des dictatures stables en Afrique, provoque un grand nombre d’élections au processus électoral détourné. Positivement, la possibilité pour la population de choisir ses dirigeants permet de considérer un pays comme démocratique, et, les régimes démocratiques ne connaissent pas d’élections au processus électoral détourné volontairement selon le fonctionnement normal du régime[4], mais parfois des élections avec des défauts dans le processus et des fraudes, qui altèrent partiellement la qualité démocratique[5].
De 1990 à 2017, 245 présidentielles et législatives sur 540 ont été organisées dans des dictatures[6]. Seulement 168 scrutins sur 540 ont été organisés dans des démocraties bien installées. Les 127 derniers l’ont été dans des contextes intermédiaires et complexes ou des transitions de la dictature vers la démocratie (TCII). Quasiment tous les processus électoraux détournés ou au résultat inversé (mascarade) sont advenus en dictature, 234 sur 276. 158 processus électoraux corrects sur 245 sont advenus en régime de démocratie.
Synthèse évolution de la qualité des processus électoraux de 1990 à 2017, présidentielles et législatives ensemble, 540 élections incluant 41 élections du président ou 1er ministre par le parlement[7]
« Mascarade » signifie « élection au processus électoral détourné en amont ou détourné le jour du vote ou en amont et le jour du vote, ou avec inversion de résultat à la compilation et/ou à la publication des résultats » et « ≥ 10 ans » signifie « après plus de 10 ans de pouvoir ».
En classant les régimes des 55 pays d’Afrique en priorité selon la manière d’arriver au pouvoir et la manière de conserver le pouvoir, en particulier au niveau des processus électoraux, et selon d’autres critères dont la qualité de l’Etat de droit, il se distingue deux catégories de régimes, des ‘dictatures’ et des démocraties, et d’autres régimes ne correspondant pas à ces deux catégories. Un classement est alors possible selon 3 catégories de régimes[8] : « Dictature stable, Transition démocratique, complexe, intermédiaire et indéterminé (TCII), Démocratie. La catégorie ‘Transition démocratique, complexe, intermédiaire et indéterminé (TCII)’ est aussi la catégorie de tous les régimes qui ne sont pas des Dictatures stables ou des Démocraties. »
Classement des régimes en 2017 (au 31.12.17).
Dictatures
stables 22 |
Erythrée, Guinée Equatoriale, Zimbabwe, Soudan, Tchad, Congo Brazzaville, Cameroun, Swaziland, Ouganda, Djibouti, Togo, Gabon, Angola, Ethiopie, Egypte, Algérie, Tanzanie, Mozambique, Burundi, Mauritanie, Côte-d’Ivoire, Rwanda. |
Transition démocratique, complexe, intermédiaire et indéterminé
(TCII) 11
|
Guerre et suite de guerre : Guerre (dont guerre en Etat failli) : Somalie (1991 guerre, 2000 parlement exil, 2012 Sheikh Mohamud), Libye (2011 guerre Etat failli), Suite guerre en Etat failli (dont en transition démocratique) : Soudan du Sud (2005 suite guerre, 2010 Kiir, 2011 indépendance), Centrafrique (2013 suite guerre Etat failli, 2014 transition, 2016 Touadéra) ;
Instabilité de gouvernement (dont suite coup d’Etat) et/ou contestation populaire : Guinée Bissau (2009 instabilité), RDCongo (2017 attente élections), Kenya (2017 conflit électoral) ; Indéterminé : Somaliland (1991 non reconnu Onu, 2001 constitution, 2010 Mahamoud), Maroc (1999 Mohammed VI, monarchie, 2011 démocratisation) ; Transition de dictature vers démocratie : Guinée Conakry (2010 transition, 2011 Condé), Gambie (2017 transition vers la démocratie proche de la démocratie). |
Démocraties
22
|
Botswana, Ile Maurice, Cap Vert, Sao Tomé-et-Principe, Zambie, Afrique du Sud, Namibie, Malawi, Lésotho, Comores, Sénégal, Nigéria, Ghana, Bénin, Mali, Niger, Sierra Leone, Libéria, Seychelles, Tunisie, Madagascar, Burkina Faso. |
Qualité des processus électoraux des présidentielles et législatives de 1990 à 2017 selon régime du moment
1.2 Règle des élections en dictature stable
La règle des élections en dictature stable est la suivante[9] : « Il n’y a pas en dictature d’élection présidentielle ou d’élections législatives correctes ou même douteuses sans une transition vers la démocratie préalable. D’une part, il n’y a pas d’élection perdue par le chef d’Etat sortant ou le parti au pouvoir en dictature stable, sauf rares exceptions. D’autre part, il n’y a pas d’élections gagnées par un chef d’Etat sortant ou son parti en dictature stable sans détournement du processus électoral en amont ou fraudes massives le jour du vote. L’absence de processus électoraux corrects définit la dictature. Si une élection correcte était organisée, le régime tomberait. Dans les cas où le résultat n’est pas inversé à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats officiels, et où une majorité de votants a voté pour le président sortant ou son parti, le processus électoral a été détourné des règles de la démocratie en amont selon de multiples modalités disponibles. »
La règle s’applique en Afrique depuis 1995 à cause de 9 cas de transformations correctes de partis uniques et de leurs dirigeants en partis et en dirigeants acceptant les règles de la démocratie entre 1990 et 1994.
Cette règle correspond à l’observation de la qualité des processus électoraux selon la nature des régimes :
Type régime | Processus électoraux
corrects |
Processus électoraux
douteux |
Processus électoraux
détournés et sans valeur (mascarades) |
Dictatures stables | Rares exceptions | Aucune | Toutes les élections
sauf les rares exceptions |
TCII | Nombreux cas | Quelques cas | Nombreux cas |
Démocraties | Grande majorité des cas | Quelques cas | Cas très peu nombreux |
Processus électoraux en dictature stable et en régime ‘Transition démocratique, complexe, intermédiaire et indéterminé’ (TCII) de 1990 à 2017[10]
1.3 Les exceptions à la règle des élections en dictature stable
Il n’y a pas d’élection, présidentielle ou législative, perdue par le chef d’Etat sortant ou par le parti au pouvoir en dictature stable, sauf rares exceptions. Ces exceptions ou cas proches d’exceptions sont les suivantes :
- Dans 9 pays, entre 1990 et 1994, des présidents issus des partis uniques ont correctement accepté le multipartisme au début de l’installation de celui-ci en Afrique (8 sans Bénin en considérant inversion 1996).
- Dans 3 cas, des chefs d’Etat ont accepté une défaite avant de reconquérir le pouvoir et de remettre en place la dictature : à l’arrivée du multipartisme au Congo Brazzaville en 1992 et au Nigéria 1992, puis dans une crise électorale au Zimbabwe en 2008.
- Dans 2 cas, la limitation à 2 mandats dans la constitution a été respectée à la présidentielle et il y a eu alternance de parti de gouvernement aux législatives le même jour : Ghana (7.12.2000, Jerry Rawlings, président acceptant avec retard la démocratisation) et du Kenya (27.12.2002, Daniel Arap Moi)
- Dans un dernier cas, un dictateur a raté le détournement du processus électoral (par la désorganisation de l’opposition), en 2016, en Gambie, et est parti sous pression militaire extérieure.
Si l’on considère que la règle s’applique à partir de 1995 et que l’on enlève les cas du refus de défaites, les 3 exceptions sont celles du Ghana en 2000, du Kenya en 2002, de la Gambie en 2016.
1.4 Présidents non « élus » en dictature stable
Les chefs d’Etat en dictature stable actuellement en place ont accumulé des processus électoraux où ils n’ont pas été élus selon des règles de la démocratie. Ils peuvent ne pas avoir été réellement « élus », 1, 2, 3, 4 et jusqu’à 5 fois pour Yoweri Museveni en Ouganda ou Idriss Déby au Tchad.
Nombre de processus électoraux détournés ou d’inversions de résultats correspondant à des victoires lors de présidentielles des chefs d’Etat en dictature stable présents au 31.12.2017[11]
N élections | 15 | Chef de l’Etat (pays) |
Pas d’élection | 1 | Isaias Afwerki (Erythrée) |
1 fois non-élu | 1 | Abdel Fattah al-Sissi (Egypte) |
2 fois non-élus | 4 | Joseph Kabila (RDC),
Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Ali Bongo (Gabon), Alassane Ouattara (Côte-d’Ivoire) |
3 fois non-élus | 3 | Denis Sassou Nguesso (Congo Brazzaville),
Faure Gnassingbé (Togo), Paul Kagame (Rwanda) |
4 fois non-élus | 4 | Teodoro Obiang Nguema (Guinée Eq),
Paul Biya (Cameroun), Omar El-Béchir (Soudan), Ismail Omar Guelleh (Djibouti) |
5 fois non-élus | 2 | Yoweri Museveni (Ouganda),
Idriss Déby (Tchad) |
Chef de l’Etat élu 1 fois (hors condition de démocratie)
1 fois élu +
2 fois non-élu |
1 | Pierre Nkurunziza (Burundi) a été élu en fin de guerre en 2005 par le parlement à la suite d’un accord de paix. |
Il serait utile d’arrêter d’employer le qualificatif d’«élu » à tort et à travers, sans considération pour la nature du régime politique et la qualité des processus électoraux, pour arrêter de créer un malentendu persistant, avec les démocrates confrontés à des difficultés dans les processus électoraux. Au pire, la mauvaise information parle de « président réélu », alors que le chef d’Etat en question a commis ou un détournement de processus électoral en amont ou une inversion d’un résultat réel à la compilation des procès-verbaux et/ou à la publication des résultats officiels, qu’il n’a pas été ‘élu’ au sens entendu en démocratie, et que l’historique des élections présidentielles, n’affiche aucune élection valable selon des principes démocratiques depuis son arrivée au pouvoir.
1.5 Prévision de la qualité des processus électoraux selon la nature des régimes
La qualité des processus électoraux sur une période à venir est presque globalement prévisible en fonction du classement par type de régime. Pour chaque élection à venir, à partir de la nature du régime organisateur des élections et selon le contexte actuel entourant le processus électoral, il est possible d’envisager la qualité des différents processus électoraux. Une classification des pays d’Afrique peut également se faire selon le type de processus électoraux, fonction lui-même du type de régime. Plus précisément, la prévision de la qualité des processus électoraux futurs se fait en considérant l’historique national du type de régimes[12], l’historique électoral des présidentielles et législatives[13] et dans une moindre mesure l’historique de l’évolution de la constitution sur le nombre de mandats[14]. D’un côté, des dictatures stables ont déjà connu en 27 ans, jusqu’à 12 scrutins sans valeur démocratique. De l’autre, les pays actuellement en démocratie ont accumulé de l’expérience positive dans les processus électoraux.
Pays et nature de régime et dernier type de processus électoral de présidentielle constatés (à fin 2017)
Démocratie
23 |
Démocratie
19 |
Elections normales
correctes |
Botswana (1966 BDP, 2009 et 2014 Ian Khama),
Ile Maurice (1968, 2015 socialistes Jugnauth), Cap-Vert (1991, 2001 PAICV, 2011 et 2016 Fonseca), Sao Tomé-et-Principe (1991, 2016 Carvalho), Afrique du Sud (1994 ANC, 2009 et 2014 Zuma), Malawi (94-95, 2014 Mutharika), Namibie (1990 indépendance+Swapo, 2015 Geingop), Nigéria (2000, 2015 Buhari), Ghana (2001, 2016 Akufo-Addo), Sénégal (2001, 2012 Sall), Sierra Leone (2003, 2007 et 2012 Bai Koroma), Seychelles (1977 SPPF puis PL = Lepep 2016 Faure), Bénin (2006, 2016 Talon), Comores (2006, 2016 Assoumani), Libéria (2017 Weah), Mali (2014 Keïta (sauf Nord)), Lésotho (2002, 2015 Basotho), Tunisie (2015 Essebsi), Burkina Faso (2016 Kaboré), |
Démocratie
Fragile 4 |
Elections
contestées |
Zambie (1992, 2015 Lungu),
Kenya (2003, 2008-2012 crise, 2013 et 2017 Kenyatta), Niger (2011 Issoufou), Madagascar (2015 Rajaonarimampianina), |
|
Transition démocratique, complexe, intermédiaire | Guerre, suite de guerre, Etat failli :
4 |
Elections difficiles à organiser suite à une guerre | Somalie (1991 guerre, 2000 parlement exil, 2012 Sheikh Mohamud),
Soudan du Sud (2005 suite guerre, 2010 Kiir, 2011 indépendance), Libye (2011 guerre Etat failli), RCA (2013suite guerre Etat failli,2014transition,2016 Touadéra), |
et indéterminé 10 | Etat non re- connu par Onu
1 |
Elections correctes à 3 partis | Somaliland (1991 non reconnu Onu, 2001 constitution, 2010 Mahamoud), |
Instabilité constitutionnelle
1 |
Elections en instabilité | Guinée Bissau (2009 instabilité), | |
Transition de dictature vers démocratie | Processus
électoraux contestés 10ans |
Guinée Conakry (2010 transition, 2011 Condé)
|
|
2 | El. correctes | Gambie (2016 transition démocratie + Adama Barrow) | |
Crise récente
1 |
–
(voir en 2018) |
Zimbabwe (1987 Mugabe, 2008-2012 cohabitation), | |
Monarchie
1 |
Uniquement des législatives | Maroc (1999 Mohammed VI, monarchie, 2011 démocratisation) | |
Dictatures
stables |
Dictature totalitaire
1 |
Aucune
élection |
Erythrée (1993 Afwerki), |
22 | Monarchie
‘totalitaire’ 1 |
Elections
sans partis |
Swaziland (1986 Mswati III), |
Dictature
de niveau élevé 3 |
Absence d’un vrai processus électoral | Guinée Equatoriale (1979 Obiang),
Rwanda (1994 suite génocide, 2003 Kagamé élu, 2017 3e mandat), Egypte (2013 Al-Sissi), |
|
Dictature en crise constitutionnelle
1 |
Election après ‘Coup d’Etat’ constitutionnel | Burundi (2003 suite de guerre, 2006 Nkurunziza), | |
Dictature classique suite à inversion résultat
4 |
Inversion résultat présidentielle
en 2016 |
Gabon (1967 OBongo, 2009 Ali Bongo, 2 inversions),
Tchad (1990 Déby), Congo B (79-92+97 Sassou), Djibouti (1977 Aptidon, 1999 IOG), |
|
Dictature classique
sans limite de nombre mandats 3 |
Processus électoral détournés en amont | Togo (1967 Eyadéma, 2005 Gnassingbé),
Cameroun (1982 Biya), Ouganda (1986 Museveni),
|
|
Dictature
à ‘2 mandats’ 3 |
Soudan (1989 el-Beshir),
RDCongo (2001 JKabila, 2003 fin guerre, 2011 fraude), Mauritanie (2008 Ould Abdel Aziz), |
||
Dictature de suite de guerre à 2 mandat
1 |
Election de suite de guerre | Côte-d’Ivoire (2011 suite de guerre + Ouattara), | |
Dictature de partis
5 |
Processus électoral détournés en amont | Algérie (1962 FLN, 1999 Bouteflika),
Tanzanie (1962 CCM, 2015 Magufuli), Mozambique (1975 Frelimo, 2014 Nyusi), Ethiopie (1991 FDRPE, 2012 Dessalegn), Angola (1979 dos Santos, 2016 Lourenço). |
Globalement, si les élections sont organisées selon chaque calendrier prévisionnel national, le calendrier global des élections en Afrique est assez correctement prévisible sur 5 ans (cf Annexe A : Calendrier des élections en Afrique du 1er janvier 2017 au 31.12.22[15] . La qualité et le type des processus électoraux sont alors globalement prévisibles selon le type du régime organisateur en supposant une absence de changement de celui-ci.
Prévision des processus électoraux entre 2017 et 2022 selon la présence ou l’absence de démocratie
Processus électoraux
démocratiques (**) |
Processus électoraux
en régime non-démocratique |
Total | |||||||
Présidentielles | Législatives | Total | Présidentielles | Législatives | Total | Prés. | Lég. | Tot. | |
2017 | 3+2* | 6 | 9+2* | 1+1* | 4 | 5+1* | 4+3* | 10 | 14+3* |
2018 | 3 | 6 | 9 | 5 | 10 | 15 | 8 | 16 | 24 |
2019 | 7+3* | 9 | 16+3* | 3 | 2 | 5 | 10+3* | 11 | 21+3* |
2020 | 5 | 4 | 9 | 5 | 5 | 10 | 10 | 9 | 19 |
2021 | 6+1* | 6 | 12+1* | 4 | 2 | 6 | 10+1* | 8 | 18+1* |
2022 | 2+1* | 5 | 7+1* | 1+1* | 4 | 5+1* | 3+2* | 9 | 12+2* |
Total | 26+7* | 36 | 62+7* | 19+2* | 27 | 46+2* | 45+9* | 63 | 108+9* |
- * : Election du chef de l’Etat (président ou 1er ministre) par le parlement
- ** : Y compris dans pays en régime instable, en suite de guerre, en transition réelle vers la démocratie.
2. Etude des processus électoraux en Afrique
2.1 Méthode d’analyse détaillée d’un processus électoral en Afrique
Actuellement, l’analyse d’un processus électoral en Afrique commence par l’étude de la nature du régime organisateur et du contexte entourant ce processus électoral, avant d’entreprendre l’étude du processus électoral en tant que tel[16]. Concernant le contexte entourant ce processus électoral, au-delà de la nature du régime politique organisateur, entre démocratie et dictature, se vérifient, en résumé, la répartition des richesses, les particularités nationales, la qualité de l’information et de la liberté d’expression, la qualité de l’Etat de droit, la solidité des institutions ou encore la cohérence du calendrier électoral. L’observation ou l’étude du processus électoral en tant que tel sans considération du contexte préalable n’a pas de sens. L’analyse du processus électoral est ensuite possible selon une logique chronologique, d’un bout à l’autre du processus électoral sur plusieurs mois et parfois années.
L’analyse d’un processus électoral peut, par exemple, se faire au travers d’une grille d’analyse en 10 points à étudier, 4 sur le contexte et 6 sur le processus en lui-même :
Etude préalable du contexte impactant le processus électoral
- Nature du régime organisateur (entre démocratie et dictature) et de la qualité de l’Etat de droit
- Contexte et particularités nationales (organisation de l’opposition, répression, vote ethnique, …)
- Information et liberté d’expression, liberté de manifestation
- Institutions et calendrier démocratique (planification, présence de locales, Cour constitutionnelle, …)
Etude du processus électoral en tant que tel
- Qualité du processus électoral en amont (dialogue et consensus politique, présence ou non de manipulations)
- Qualité technique du processus électoral en amont (responsabilité de l’organisation, fichier électoral)
- Processus électoral en amont : candidat-e-s et campagnes
- Déroulement le jour du vote
- Compilation des procès-verbaux et annonce des résultats
- Amélioration de l’organisation (pour le futur)
Chaque point peut être considéré en fonction de critères d’évaluation pouvant eux-mêmes comporter des sous-critères. Plusieurs centaines de sous-critères permettent de comprendre que la qualité globale du processus électoral dépend de plusieurs centaines de points. L’étude des processus électoraux en Afrique montre que le détournement des processus électoraux peut se réaliser à plusieurs centaines de moments et de points d’avancement du processus. Les méthodes principales de fraudes se retrouvent toujours aux mêmes points, et il est possible de regrouper les fraudes et étapes de détournement dans de grandes familles.
Une analyse détaillée d’un processus électoral consistera à déterminer les éléments principaux et à évaluer les conséquences des actions sur la suite du processus et le résultat final. Il apparaît souvent que s’il y a détournement d’un processus électoral, plusieurs techniques principales ont été utilisées pour atteindre l’objectif de détournement en les dissimulant.
2.2 Classification des processus électoraux en dictature et dans tous types de régime
2.21 Classification des processus électoraux en dictature stable
En considérant les élections présidentielles et législatives depuis 1990, il s’observe 5 catégories de processus électoraux en dictature stable :
- processus électoral détourné en amont
- avec boycott de l’opposition réelle,
- sans boycott de l’opposition réelle,
- processus électoral avec principalement des fraudes massives le jour du vote,
- processus électoral avec inversion d’un résultat réel à la compilation des procès-verbaux et/ou à la publication des résultats officiels
- processus électoral correct (exception à la règle des élections en dictature stable).
Entre le 1er janvier 1990 et le 31 décembre 2016, sur toutes les élections présidentielles gagnées par 70 chefs d’Etat classés sur une période en dictature stable (donc sans les 3 cas d’exceptions à la règle des élections en dictature qui sont des élections perdues), 120 élections répertoriées et 110 sans 10 en période de régime (Tcii) se répartissent selon le tableau suivant[17] :
Période considérée :
Dictature stable avec ou sans période hors stabilité |
Avec période TCII
|
Sans les période TCII
où la dictature n’est pas stable |
||
Type de processus électoral | Nombre | % | Nombre | % |
Détourné en amont avec boycott | 25 | 20,83 % | 24 | 21,82 % |
Détourné en amont sans boycott | 61 | 50,83 % | 60 | 54,54 % |
Sous-Total détourné en amont | 86 | 71,66% | 84 | 76,36 % |
Avec principalement des fraudes massives le jour du vote | 11 | 09,17 % | 10 | 09,09 % |
Inversion d’un résultat réel à la compilation des procès-verbaux et/ou à la publication des résultats officiels (dont 1 en Tcii) | 12 | 10 % | 11 | 10,00 % |
Corrects, la dictature n’étant pas installée durablement (Tcii) | 4 | 03,33 % | – | – |
Douteux, la dictature n’étant pas installée durablement (Tcii) | 2 | 01,66 % | – | – |
En parti unique | 4 | 03,33 % | 4 | 03,63 % |
Annulé | 1 | 0,83 % | 1 | 0,90 % |
Total | 120 | 100% | 110 | 100% |
Quand la dictature est stable, les chefs d’Etat ayant été en dictature stable ont gagné 76,36% d’élection au travers de processus électoraux détournés en amont (84 cas sur 110), dont 28,57% était boycotté (24 sur 84) et 71,42% non boycotté (60 sur 84). Ils n’ont gagné que rarement en se basant principalement sur les fraudes le jour du vote, 10 cas sur 110, et a priori 11 fois par des inversions d’un résultat réel à la compilation des procès-verbaux et/ou à la publication des résultats officiels.
Evolution des ‘mascarades électorales’ et inversion finale de résultats (coup d’Etat électoraux) dans les présidentielles des chefs d’Etat en dictature stable présents en 2017 et des dictatures de parti et de famille depuis 1990
Evolution des ‘mascarades électorales’ et inversions de résultats finaux (coup d’Etat électoraux) dans les présidentielles des chefs d’Etat en dictature stable de 1990 à 2016 (73 chefs d’Etats, 124 élections)
Pour un chef d’Etat de dictature, les processus électoraux optimaux ne sont pas les processus électoraux avec boycott, ce sont les processus électoraux qui laissent une place à l’opposition réelle sans que cette place permette d’envisager une possibilité d’alternance. Un chef d’Etat non-démocrate préfère trouver des méthodes de détournement du processus électoral en amont que de prendre des risques le jour du vote, à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats, sauf quand il prévoit d’écraser militairement ses adversaires en profitant de l’élection pour le faire, et d’ainsi, la terroriser durablement.
2.22 Techniques principales de détournement du processus électoral en amont
2.221 Modification du contexte du processus électoral
Un premier pôle de méthodes utilisées pour empêcher toute possibilité d’alternance se situe dans des actions qui modifie le contexte du processus électoral, en agissant à tous les niveaux de la société pour rendre impossibles les débats qui pourraient irriguer une campagne et fournir des arguments à une opposition. Les pouvoirs en place empêchent un Etat de droit de se construire, interviennent sur les media, détruisent des media, maîtrisent les sociétés civiles et les syndicats, construisent des sociétés civiles factices et aux ordres du gouvernement, utilisent la censure et induise l’auto-censure, contrôlent internet ce qui renvoie la population vers les réseaux sociaux, tentent de limiter l’information de la population dans certaines zones du pays. Ils limitent la liberté d’expression à son minimum, interdisent très souvent totalement le droit de manifestation, contrôlent la justice et empêche celle-ci d’intervenir sur des crimes.
2.222 Désorganisation de l’opposition
Une deuxième famille de méthodes de détournement des processus électoraux rassemble les méthodes qui visent à désorganiser l’opposition et à la rendre incapable de se faire valoir auprès des électeurs. Il se rencontre fréquemment, les méthodes suivantes, les listes d’exemples de pays n’étant pas exhaustives :
- la corruption de leaders d’opposition (Togo 2010, Cameroun)
- la captation d’opposant au sein du gouvernement (Togo 2010, RDC 2017, Gabon)
- l’empêchement de création de partis (Guinée Equatoriale, Djibouti)
- l’interdiction des réunions et/ou de l’accès aux lieux de réunion (Cameroun, Djibouti)
- l’interdiction des partis existants ou de légalisation (Djibouti)
- l’emprisonnement d’opposants (Djibouti 2016, Gabon 2016-2018, Tchad 2008 2017, Congo B 2016-2018, Ethiopie 2017, Rwanda 2017, Guinée Equatoriale)
- la torture d’opposants emprisonnés (Togo 2010, Djibouti 2016)
- les interdictions de voyager pour les opposants (Gabon 2016-2018, Djibouti)
- l’assèchement financier : licenciement de dirigeants fonctionnaires, pression sur entreprises (Togo, Djibouti)
- les manipulations judiciaires et fausses accusations contre des opposants (Tchad, Togo 2013, RDC 2016-2018, Djibouti, Rwanda 2017)
- le clonage des partis (Djibouti, Cameroun) ou clonage de partis avec interdiction (Djibouti) (ajout 15.6.18)
- la création et le financement de petits partis de fausse opposition pour des manipulations
- la fabrication d’un système de fausse opposition financé par le pouvoir pour participer aux élections (Djibouti, Congo Brazzaville)
- la mise en valeur d’acteurs d’opposition sélectionné par répression et médiatisation (Congo B 2016)
- l’assassinat de leaders d’opposition (Tchad 2008)
- le transfert calculé du conflit politique sur le terrain militaire (Congo Brazzaville 2016)
- le maintien d’une répression lié à une guerre terminée (Djibouti, Côte-d’Ivoire 2011-18, Rwanda 1994-2018)
- l’ethnicisation de l’électorat et du vote (Togo, Tchad, Côte-d’Ivoire)
NB : Exemples parmi ‘Guinée Equatoriale, Tchad, Congo Brazzaville, Cameroun, Djibouti, Togo, Gabon, Côte-d’Ivoire, Rwanda’ issus de la liste des 22 pays en dictature stable en 2017.
Désorganisation opposition réelle en amont : exemples de Djibouti depuis 2010
Corruption de leaders d’opposition | (prétendus opposants) |
Captation d’opposant au sein du gouvernement | – |
Empêchement de création de partis | 4 statuts légaux maximum pour opposition |
Interdiction réunions et/ou accès lieux de réunion | 2016-2018 USN |
Interdiction des partis existants ou de légalisation | 2008 MRD + Enlèvements statut légal partis (4 max) |
Emprisonnements | 2013-16 ex. DAF 2016 ex. TX , 2018 CDU |
Torture d’opposants emprisonnés | 2011 2016 ex. TX |
Interdictions de voyager | 2014-2016 ex. TX, Amareh |
Assèchement financier de l’opposition | |
Manipulations judiciaires et fausses accusations | 2008 MRD, 2013 MODEL, 2015 RADD |
Clonage des partis + interdiction | 2016-2018 ARD, UDJ, MND |
Création et financement de petits partis de fausse opposition pour des manipulations | 2013 CDU |
Fabrication système de fausse opposition financé par le pouvoir pour participer aux élections | 2012 RADDE + 2013 CDU + 2016-2018 clones ARD,UDJ,MND |
Mise en valeur d’acteurs d’opposition sélectionné par répression et médiatisation | – |
Assassinat de leaders d’opposition et blessures | Blessés : 2015 AYoussouf + SHRobleh
(soupçons / mort 2014 ARA[18]) |
Transfert conflit politique sur terrain militaire | (en partie / Frud) |
Maintien répression lié à une guerre terminée | Frud au Nord : harcèlement des civils |
Ethnicisation de l’électorat et du vote | – |
NB : DAF : Daher Ahmed Farah président MRD, TX : Abdourahman Mohamed Guelleh ancien maire Djibouti-ville, Amareh : Me Djama Amareh Meidal conseiller juridique USN, Ahmed Youssouf président USN blessé à 75 ans dans coup de force contre USN décédé en 2017, Said Houssein Robleh député USN, ARA : Aden Robleh Awaleh du parti MND décédé en 2014 d’une mort suspecte.
La comparaison des pays illustre aussi le niveau des dictatures. Dans les pays de fort niveau de dictature, les méthodes de destruction de l’opposition se multiplient. Cependant, elles finissent aussi à arriver à des seuils, de statu quo plus calme, où l’opposition a du mal à exister, qui impliquent d’observer l’historique de la répression et de la désorganisation plus encore que leur niveau du moment. Dans un pays comme la Guinée Equatoriale, la méthode d’Obiang Nguema a consisté à agir tellement en amont qu’il ne restait plus beaucoup de traces de répression ces dernières années avant qu’elle redevienne visible en 2018.
Sur le processus électoral lui-même, se pratiquent d’autres méthodes qui influent sur l’organisation de l’opposition : des manipulations pour augmenter la division de l’opposition sur le fait de participer ou de boycotter un scrutin qui va vers un détournement en amont (Togo, Gabon, Congo Brazzaville), des manipulations dans la composition de la Commission électorale (Togo), l’élimination abusive de candidatures (Togo, Tchad, Djibouti), la corruption de représentants de l’opposition dans les bureaux de vote, pour qu’ils acceptent de signer de faux procès-verbaux (Togo).
Par ailleurs sont mis en œuvre pendant plusieurs années et en dehors de la période du processus électoral des techniques pour éloigner la population des partis d’opposition en particulier la distribution d’argent et de cadeaux (achat de conscience) (Togo, Cameroun), l’utilisation de chefs traditionnels pour influencer, corrompre, ou menacer des électeurs (Togo), la désinformation et l’empêchement de circulation de l’information (Togo).
En raison de cette désorganisation constante des oppositions, il existe tous les niveaux de pluralisme réel. Sans considérer le cas de l’Erythrée et du Swaziland sans aucun multipartisme, certains régimes ont après les partis uniques installé des ‘partis uniques de faits’ : surtout en Ethiopie et en Guinée Equatoriale, un peu moins en Tanzanie, et dans une certaine mesure au Cameroun ou en Angola (et en Algérie si l’on associe les 2 partis alliés au pouvoir). Si, comme en Guinée Equatoriale, l’opposition est détruite le plus tôt possible, en début de processus d’organisation, les actions de destructions et de désorganisations sont peu visibles de l’extérieur. Cela impacte la taille des partis politiques, et le caractère national ou non des partis, la situation en exil des partis. Dans certains pays peu nombreux, pour ces raisons également, les oppositions se construisent en fonction des départs des personnalités politiques du parti au pouvoir par exemple au Gabon en 2014, en RDC vers 2015, au Congo Brazzaville en 2016. Dans d’autres pays, plus nombreux, ces changements de camps sont rares.
2.223 Contrôle des actions des institutions en charge du processus électoral
Un troisième pôle se repère dans le contrôle des actions des institutions en charge du processus électoral, les ministères, la Commission électorale, la Cour constitutionnelle ou suprême, parfois des tribunaux et les forces de l’ordre, les media d’Etat. Souvent, les instances en charge des élections n’ont aucune indépendance, le chef de l’Etat peut dans les pires cas décider arbitrairement des dates des scrutins et de toutes les conditions d’organisation. Au Tchad, lors de la présidentielle de 2016, Idriss Déby a mis en place une Commission électorale parallèle qui a permis la modification des procès-verbaux nécessaire à l’inversion du résultat[19]. Dans les dictatures stables, le rôle du parlement est en général réduit. Les chefs d’Etat imposent ou refusent des modifications institutionnelles et constitutionnelles, par exemple sur les limitations de nombre de mandats ou le nombre de tours des scrutins. Les media d’Etat ne sont pas ouverts à la parole des opposants. Des décisions sont prises sans dialogue, des accords passés avec une opposition sur le calendrier, le code électoral, des réformes constitutionnelles, des reports ne sont pas respectés. Les pouvoirs décident des interventions internationales sur les processus électoraux, en particulier empêchent la venue des missions d’observation électorale réelles et font venir des missions d’observation factices comme celles de l’Ua.
2.224 Fichier électoral
Enfin, les techniques de fraudes historiquement les plus connues sont celles réalisées à partir du fichier électoral : absence de recensement correct dans les zones favorables à l’opposition, inscription dans des bureaux éloignés de l’habitation, recensement de mineurs, d’étrangers de pays voisins, mauvaise distribution des cartes électorales, absence de vérification de l’identité le jour du vote, permettant le vote multiple.
Le déploiement en Afrique de la biométrie[20] pour fabriquer le fichier électoral et dans de rares cas authentifier les électeurs le jour du vote a fait reculer ces techniques, qui restent cependant très présentes. La biométrie élimine surtout les votes multiples, mais avec la biométrie, il reste possible de réaliser un mauvais recensement, qui peut être fait sous pression d’un conflit armée, de la corruption, de la surveillance de chefs traditionnels ou politiques, d’avoir un fichier avec des doublons, des mineurs, des étrangers, des personnes décédées, … L’introduction de la biométrie a positivement permis de faire émerger le débat sur la qualité technique du processus électoral entre pouvoirs et oppositions, mais sa mise en œuvre en dictature stable est faite dans des conditions d’opacité facilitées par l’intervention du secteur privé, qui sont en adéquation avec les processus électoraux détournés.
2.225 Autres méthodes, mixage des méthodes et législatives
Il existe d’autres méthodes en dehors de ces 4 pôles. Il se rajoute toujours en amont les déséquilibres des budgets de campagne. Certains chefs d’Etat sont doués pour faire un réseau de soutiens à l’étranger, par des alliances en Afrique, des échanges de services entre Etats, corruption d’acteur étrangers internationaux, politiques ou journalistes[21].
Les méthodes de détournement en amont du jour du vote sont le plus souvent mixées.
Pour les législatives, la technique la plus utilisée est celle du déséquilibrage géographique des circonscriptions, une variation considérable du nombre d’électeurs par circonscription favorable au pouvoir, une minorité de l’électorat votant pour une majorité de circonscription dans une partie du pays. Cette méthode est si efficace qu’elle peut être utilisée pour inverser en amont le résultat final, sans utiliser d’autres méthodes de détournement de processus électoral en amont. Dans ce cas, une mission d’observation n’aura aucun sens, si le résultat final dépend quasi-exclusivement du découpage électoral.
2.226 Jour du vote et suite du vote
Les méthodes de fraudes le jour du vote sont moins nombreuses et en général moins efficaces que les méthodes de détournement en amont : votes des militaires, achat de conscience, intimidation, mauvaise organisation des bureaux de votes, mauvais contrôle des bureaux de votes, votes multiples, bourrages d’urnes, absence de respect de la « volonté du votant », etc… Les observations de dernières minutes qui se concentrent sur le jour du vote sont des observations pour le spectacle en dictature. Très souvent, la communication sur les fraudes du jour du vote comme principale méthode de fraudes participe du soutien plus ou moins conscient des régimes dictatoriaux.
La falsification des procès-verbaux si elle est utilisée peut commencer dans le bureau de vote mais se fait le plus souvent dans un transfert ou un lieu de compilation régional ou dans un lieu de rassemblement national, comme le siège du MPS au Tchad en 2016[22], ou le ministère de l’intérieur à Djibouti. La falsification des procès-verbaux peu se faire également si le mode de communication des résultats n’est pas fiable et contrôlé. La falsification des procès-verbaux est utilisée pour arriver à des inversions de résultats mais elle constitue plus fréquemment un complément des procédés de détournement du processus électoral en amont.
2.23 Inversions de résultats réels à la compilation des procès-verbaux et/ou la publication des résultats officiels
Lors d’une ‘inversion de résultat réel à compilation des procès-verbaux et/ou publication des résultats officiels’[23], « un processus électoral est brutalement interrompu, soit en phase de compilation des résultats, soit au moment de la publication officielle du résultat national, afin d’inverser le résultat réel du scrutin et/ou d’attribuer frauduleusement une victoire à un candidat, à la fin du processus électoral alors qu’il existe déjà un résultat réel différent, juste avant la compilation des procès-verbaux non fraudés, que le ou les partis victimes de l’inversion arrivent ou non à estimer ce résultat réel. » (définition)
Il y a théoriquement deux catégories d’inversion de résultat :
- soit, le résultat réel est proche de l’égalité, proche de 50%-50% pour 2 tours. Dans ces cas, les conditions d’organisation déterminent la capacité de mesure du résultat et le conflit peut se baser sur quelques pourcents. Ces cas peuvent survenir en démocratie (et en Tcii).
- soit le score d’un candidat a été fortement gonflé, dans ce cas il a été gonflé de 10, 20, 30, 40, 50% pour être déplacé de moins de 50% à plus de 50% (cas 2 tours). Dans certains cas, le résultat est inventé et ne se réfère pas à des procès-verbaux, dans d’autres, une grande quantité de procès-verbaux ont été modifiés.
En dictature stable, les cas d’inversion rencontrés sont uniquement des cas où le score du président sortant a été assez fortement ou fortement gonflé. La propagande de l’auteur du ‘coup d’Etat électoral’ vise alors à faire ‘croire’ – qui veut bien accepter de croire, car il s’agit aussi d’une sorte de théâtralisation – que le débat se situe sur quelques pourcentages de doutes dans la mesure.
Bien qu’il soit plus difficile de les organiser, il se rencontre de rares cas d’inversions de majorité à l’assemblée nationale après des législatives, soit par inversion du résultat dans quelques circonscriptions, soit par inversion globale.
L’inversion de résultat se rencontre soit sur des scrutins à un tour (5/13), soit sur des scrutins à deux tours (8/13). Dans tous 12 cas constatés sur 13 (sauf Bénin 1996), l’inversion s’est située au premier tour.
Dans les scrutins à deux tours, l’inversion se fait principalement par le trucage des résultats du premier tour qui place le président sortant directement au-dessus de 50% (Gabon 1993, Djibouti 2016, Tchad 2016). Dans ces 3 cas, le président sortant a évité une défaite par alliance de l’opposition au second tour, qu’il ait été en tête ou pas au premier tour. A Djibouti, en cas de second tour, le président sortant n’aurait peut-être pas perdu car il avait aussi désorganisé l’opposition en amont. Dans ces cas, où le président sortant camoufle son inversion de résultat au premier tour, la technique a consisté à baisser tellement le score du candidat réellement en premier (cas du Tchad) ou en second (cas de Djibouti) que celui-ci est devenu inaudible à l’extérieur du pays, pendant que les diplomates regardaient le pouvoir militaire qui se déployait et s’inquiétaient des conséquences (en raison de leur Responsabilité de protéger). Empêcher l’alliance prévue ou prévisible de l’opposition qui gagnerait au second tour grâce à cette alliance, est particulièrement efficace pour désinformer au niveau national et international.
Parfois, le président sortant n’est même pas qualifié au second tour, ce qui a été le cas a priori au Congo Brazzaville en 2016 et au Niger en 1996. La méthode de « l’inversion de résultat à la compilation des procès-verbaux et à l’annonce officielle par suppression du second tour dans le cas où le sortant est 1er ou 2e » a a priori été utilisée au Gabon en 1993, à Djibouti en 2016 (Guelleh pouvant gagner au 2nd tour), au Tchad en 2016 (ajout 2019 : ) et en Mauritanie en 2019. Il se rencontre aussi la baisse du score de l’adversaire de plus de 50% à moins de 50% pour imposer un second tour (Zimbabwe 2008). Dans certains cas, comme à Djibouti en 2016, il n’existe, pour l’opposition, aucune estimation du résultat réel national, après modification des procès-verbaux dans un contexte de forte répression.
Liste des inversions de résultats depuis 1990 : 13
Chefs d’Etat en dictature stable présent le 31.12.17: 4
Pays | Chef d’Etat | N | Date scrutin | Score 1er 2nd tour | |
Cameroun | Paul Biya | 4 | 11.10.92 | inversion T1/1 | 39,98%T1/1 |
Zimbabwe | Robert Mugabe | 5 | 27.06.08 | inversionT1/2 : T2 imposé | boycott T2 |
Congo-B | Denis Sassou Nguesso | 3 | 20.03.16 | inversion T1/2
DSN est sans doute éliminé au T1 |
60,39%T1/2 |
Tchad | Idriss Déby | 5 | 10.04.16 | inversion T1/2 : T2 enlevé | 59,92%T1/2 |
Chefs d’Etat en dictatures stables familiales : 7
Togo | Gnassingbé Eyadéma,père | 3 | 21.06.98
01.06.03 |
inversion T1/1 | 52.1% T1/1
57.8% T1/1 |
Faure Gnassingbé, fils | 3 | ||||
Gabon | Omar Bongo, père | 3 | 05.12.93 | inversion T1/2 : T2 enlevé | 51.18%T1/2 |
Ali Bongo, fils | 2 | 30.08.09
27.08.16 |
inversion T1/1 + massacre
inversion T1/1 + massacre |
41,73%T1/1
50,66%T1/1 |
|
Djibouti | Ismail Omar Guelleh, neveu | 4 | 09.04.99
08.04.16 |
inversion T1/2
inversion T1/2: T2 enlevé |
74.02%T1/2
87,07%T1/2 |
Coups d’état électoraux depuis 1990 sous chefs d’Etat dans pays en démocratie en 2016 : 1
Niger | Ibrahim Baré Maïnassara | 1 | 08.07.96 | TCII : inversion T1
Baré a priori 3e éliminé au T2 (Dossier Noir Survie1996) |
52.22% T1/2 |
Coups d’Etat électoraux des chefs d’Etat au pouvoir en période d’instabilité (TCII) uniquement : 1
Bénin | Mathieu Kérékou | 2 | 18.03.96 | Coup d’état Electoral :inversionT2+Chirac | 52.49%T2/2 |
Il existe quelques cas de coups d’état électoraux potentiels non (encore) démontrés (4 exemples répertoriés). Il y a des élections qui ne peuvent pas avoir de résultat réel véritable, si celui-ci n’existe pas (Côte d’Ivoire en 2010, cas d’une présidentielle en période de conflit armé).
L’inversion de résultat à la compilation et à la publication des résultats est une technique violente radicale de détournement des processus électoraux qui s’est répandue en 2016, au Tchad, à Djibouti et au Congo Brazzaville, dans la sphère des ex-colonies françaises. Face aux 4 cas de 2016, l’absence de réaction de la communauté internationale et africaine est importante historiquement. 12 inversions de résultats repérées sur 13 ont eu lieu dans les ex-colonies françaises, 7 sur 13 dans des dictatures familiales (Togo 2, Djibouti 2, Gabon 3), une après un coup d’Etat (Niger 1996). Un seul cas a eu lieu en faveur d’un candidat qui n’était pas président sortant, au Bénin en 1996, en faveur de Kérékou, pour cause d’intervention française.
Les inversions de résultats à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats officiels se font généralement avec fraudes préalables qui provoquent un mélange des fraudes à 3 niveaux, organisation en amont en particulier les fraudes volontaires autour du fichier électoral, fraude le jour du vote en particulier bourrages d’urnes, modification des résultats au moment de la compilation des procès-verbaux. Le cas du Congo Brazzaville en 2016, montre que ce mélange peut être remplacé par l’invention de résultats factices associé à une (ré)pression militaire.
La constatation d’une inversion de résultat ne donne pas d’indication en niveau ou en gravité de la fraude mais indique la technique utilisée et le moment clé du détournement dans le processus électoral, le moment de la compilation des procès-verbaux avant la publication du résultat.
Ajout du 2.7.19 :
Treizième cas fin 2018-début 2019 en RDC : multiples inversions (Présidentielle + législatives + provinciales).
Quatorzième cas le 22.7.19 en Mauritanie.
Plus d’informations sur les inversions de résultats en cas de suppression du second tour dans article d’analyse du 14e cas de la présidentielle de Mauritanie du 22 juin 2019.
2.24 Classification des processus électoraux quel que soit le type de régime
La classification précédente (2.2.1) comprenant 5 catégories de processus électoraux en dictature stable[24] peut être étendue à l’ensemble des processus électoraux quel que soit le type de régime, des pays en TCII et en démocratie, par l’ajout d’une 6e catégorie, celle des ‘processus électoraux douteux’ :
- processus électoral détourné en amont avec boycott de l’opposition réelle,
- processus électoral détourné en amont,
- processus électoral avec principalement des fraudes massives le jour du vote,
- processus électoral avec inversion d’un résultat réel à la compilation des procès-verbaux et/ou à la publication des résultats officiels
- processus électoral douteux (en TCII et démocratie)
- processus électoral correct.
Cette classification a été utilisée pour les prévisions de qualité des processus électoraux en 2018 (1.53).
Par commodité, et selon l’observation de la qualité des processus électoraux selon la nature des régimes :
Type régime | Processus électoraux
corrects |
Processus électoraux
douteux |
Processus électoraux
détournés et sans valeur (mascarades) |
Dictatures stables | Rares exceptions | Aucune | Toutes les élections
sauf les rares exceptions |
TCII | Nombreux cas | Quelques cas | Nombreux cas |
Démocraties | Grande majorité des cas | Quelques cas | Cas très peu nombreux |
, en regroupant les 4 premières catégories, cette classification peut aussi être résumée à :
- mascarade (en dictatures stables surtout, en TCII, et cas très peu nombreux en démocratie)
- processus électoral douteux (en TCII et démocratie uniquement)
- processus électoral correct (en démocratie et TCII et rares exceptions à la règle en dictatures stable)
Dans les ‘mascarade’, il est alors possible de distinguer les cas selon la longévité du pouvoir au regard de la quasi-norme de 10 ans appliquée en termes d’alternance, qui correspond à 2 mandats de 5 ans.
3. Renforcement de la qualité des processus électoraux
Les stratégies nationales des démocrates pour faire avancer le processus de démocratisation sont diverses et variées. Elles déterminent la possibilité d’arriver à la mise en place d’un système démocratique. Cette partie de cette étude s’intéresse à quelques leviers supplémentaires ou transnationaux, au-delà de ces stratégies.
3.1 Distinction entre dictatures stables, démocraties et autres régimes
Le constat que la qualité des processus électoraux dépend principalement de la nature des régimes parce qu’il dépend de l’acceptation par le pouvoir sortant des règles du jeu de la démocratie est relativement nié dans des discours officiels, mais aussi dans les media, même si cela fait apparaître une contradiction fondamentale sur la volonté de « démocratie » en Afrique. Une absence de classement de régime induit une absence de considération pour la qualité des processus électoraux. Une conséquence semble être que la qualité des processus électoraux est constamment négligée dans les relations internationales.
Aucune institution étatique ou internationale ne peut être ‘juridiquement’ en charge d’un classement des régimes, d’une part parce que les données sont trop variables dans le temps et d’autres part parce que les usages en diplomatie et en fonctionnement entre Etat ne permettent pas un tel classement. En outre, en pratique, le classement fige des relations en conflit et conduit à des raidissements sur des positions, ce qui peut empêcher des réformes progressives aidés par une influence extérieure douce. Le classement serait évidemment contre-productif s’il était exprimé en langage diplomatique dans des discours officiels. Le classement des régimes peut être envisagé que par des journalistes ou chercheurs. La possibilité de classement et de son utilisation dépendent de la position d’un potentiel auteur dans un espace politique.
Concernant l’Afrique, au travers de ses missions d’observation, l’Union européenne semble être actuellement la seule institution qui travaille sérieusement sur les processus électoraux. Les contradictions des positionnements politiques généraux semblent avoir conduit l’Ue à créer une niche institutionnelle pour agir de manière pragmatique en apparence déconnectée de la direction générale politique présentée par son exécutif. Ainsi, l’Ue contourne ponctuellement l’obstacle de la question d’un jugement préalable de la nature du régime organisateur qui serait nécessaire à l’analyse correct d’un processus électoral, et augmente le nombre de missions sans viser un résultat maximal sur chacune d’entre elles, ce qui fait entrer les missions d’observations dans les outils d’« influence douce », à efficacité statistique à plus long terme.
Processus électoraux en démocratie en Afrique de 1990 à 2017
Processus électoraux corrects ou douteux en démocratie, TCII et dictature stable de 1990 à 2017
Sur le terrain, la différence entre qualité des processus électoraux en démocratie ou en dictature stable s’affirme avec le temps. En démocratie, la stabilité démocratique dépend des dernières années et de l’expérience accumulée en termes d’élections correctes ou incorrectes. Les élections correctes s’accumulent en démocratie malgré les pays où les processus électoraux continuent de générer des contestations. Les populations en dictature observent ce décalage entre régions d’Afrique. La soif de liberté ronge les régimes dictatoriaux.
3.2 Limitations du nombre de mandats présidentiels dans les constitutions[25]
En 2017, en Afrique, 37 pays sur 55 ont une limitation du nombre de mandats présidentiels dans leur constitution. Il y a une histoire d’Afrique des limites dans les constitutions depuis 1990 et le multipartisme, des suppressions et rajouts. Le nombre de constitutions avec limite du nombre de mandats a augmenté entre 1990 et 2001, atteignant un maximum de 35 pays en 2001. Le phénomène s’associe à la démocratisation réelle d’une partie de l’Afrique pendant l’installation du multipartisme, mais pas seulement. Une partie des dictateurs issus des partis uniques ont aussi accepté une limitation.
La fin de dictature a été facilitée par la limitation du nombre de mandats dans les constitutions au Ghana avec fin de la pseudo « dictature » issue du parti unique de Jerry Rawlings grâce à limite 2×5 le 7 décembre 2000 et au Kenya : fin de la dictature issue du parti unique de Daniel Arap Moi grâce à 2×5 le 27 décembre 2002.
Il existe des ‘dictatures de parti’, dans lesquels des présidents respectent les limites du nombre de 2 mandats, en Tanzanie ou au Mozambique. La limite de 2 mandats n’empêchera pas dans le futur la transformation de dictatures autour de personnalités en de nouvelles dictatures de parti.
Comme les inversions de résultats à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats, les suppressions de limitation du nombre de mandats présidentiels des constitutions sont une spécialité des ex-colonies françaises. La question de la limite du nombre de mandats continuera de se poser dans les 7 autres pays où elle a été supprimée. Les présidents y accumulent des mandats à la suite des élections sans valeur démocratique : au Congo Brazzaville (2015), Cameroun (2008), Tchad (2005), Rwanda (2015), Djibouti (2010), Gabon (2003) et Togo (2002).
Depuis 2000, sur 11 cas de remises à zéro de compteurs, 9 chefs d’Etat en dictature forte ont réussi à imposer une remise à zéro de leur compteur, une absence de rétroactivité, à la suite du retour à une limitation du nombre de mandats. La question posée d’une remise à zéro du compteur lors d’une modification de la constitution (Togo 2017, Tchad 2018) revient à se poser la question de savoir si l’ajout de la limitation du nombre de mandats correspond à une action en faveur de la dictature ou une action en faveur de la démocratie. Dans les textes des constitutions, il s’observe des indications d’applications variées, mais c’est surtout le contexte de référence à la constitution qui varie. En pratique, il n’y a pas de règle internationale concernant dans les constitutions les compteurs du nombre de mandats présidentiels et la « rétroactivité » des articles concernant le nombre de mandats maximal.
3.3 Missions d’observation électorales internationales et africaines
3.31 Missions d’observation électorales européennes
Les missions d’observations européennes, MOE-UE, ont commencé en 1993 en Russie puis en 1994 en Afrique[26]. En Afrique, ces dernières années, elles se sont imposées comme les seules missions d’observations vraiment utiles.
Nombre de missions d’observation européennes par type de régime et par an de 1990 à 2017
Les MOE-UE en Afrique constituent 45% des MOE-UE, la part a augmenté à partir de 2010. L’outil n’a pas été au départ spécialement conçu pour l’Afrique. Grâce à 80 MOE-UE, en Afrique, les processus électoraux ont été observés pour 130 élections :
- 58 présidentielles (21+21+16)
- 3 élections de chef de l’exécutif à la suite de l’élection du parlement
- 56 législatives (21+19+16)
- 10 : 6 locales-municipales, 1 provinciale, 3 élections d’Etats fédérés
- 3 référendums, 2 constitutionnels et 1 d’indépendance (Soudan du Sud au Soudan)
36 pays sur 55 ont déjà fait venir des MOE-UE. Sur 80 MOE-UE, 23 sont arrivées dans des pays en démocratie, souvent fragiles, et en cherchant à améliorer les processus électoraux, 33 dans des pays dans un processus de ‘transition vers la démocratie’ avéré ou en instabilité de guerre, de suite de guerre, de suite de coup d’Etat ou de génocide, 24 en dictature stable.
Les MOE-UE n’ont pas empêché le détournement des processus électoraux en dictature stable, elles les ont observés. La seule exception est que la MOE-UE du Kenya en 2002 a participé à faire des élections une exception à la règle des élections en dictature – au sens large –, pour sortir de la continuité avec le régime de l’ancien parti unique. 24 MOE-UE ont été organisées dans des pays en dictature stable pour 36 scrutins, 16 présidentielles, 16 législatives, 2 élections de chef d’exécutif par des parlements, une provinciale et un référendum d’indépendance.
Ces missions n’ont pas eu d’effets notables, mais elles ont pu empêcher la situation d’empirer dans certains pays, peut-être au Mozambique, au Soudan et en Angola. Deux processus électoraux de présidentielle boycottée ont été observés, ce qui semble ne pas avoir de sens, au Congo Brazzaville en 2002 et au Soudan en 2010.
Les MOE-UE ont pu observer 2 inversions de résultats de présidentielle à la compilation des procès-verbaux et à la publication officielle des résultats, en 1998 au Togo et en 2016 au Gabon. Mais l’UE en a en réalité observé 3 puisqu’elle avait une Mission d’expertise électorale au Tchad en 2016 qui a constaté une inversion sans qu’un rapport soit publié et sans que cela n’apparaisse diplomatiquement. Le cas des inversions du résultat est important pour des observateurs qui sont plus ou moins témoins d’une action criminelle au niveau technique électorale, ce qui est différent des observations sur les techniques de détournement en amont. A priori, l’inversion du résultat du Gabon en 2016 a été la première inversion de résultat bien observée par l’Ue.
Inversion ou pas, à la suite de l’élection, le Togo a connu les sanctions européennes de 1998 à 2007 (Convention de Lomé), et Ali Bongo subit une procédure selon l’accord de Cotonou accompagnée d’une procédure de la CPI. Indirectement, cela fait aussi ressortir que les processus électoraux détournés en amont, qui constitue la majorité observée en dictature stable n’aboutissent pas à un déclenchement d’une procédure selon l’Accord de Cotonou et à des sanctions.
Le bilan des interventions européennes au niveau observation dans les dictatures est contrasté et ambivalent. Il est sans doute décevant par rapport aux attentes de départ au moment de la conception de l’outil par l’Ue. Le travail sur les recommandations cycliques comme sur le principe de l’Examen périodique universel de l’Onu ne fonctionne pas. Les missions d’observations ne sont acceptées que si le pouvoir ne craint pas d’être dérangé. Ce qui reste de dérangeant est neutralisé.
Surtout, les MOE-UE peuvent être instrumentalisées pour internationalement donner une image d’effort ou réduire le détournement à un conflit entre deux parties, alors qu’il ne s’agit que du théâtre de la fausse démocratie. Les MOE-UE, parce qu’elles sont les seules correctement organisées, donnent sur l’Afrique l’image de processus électoraux déficients sur des questions techniques alors que le problème n’est pas là, alors que des dirigeants, identifiés, n’acceptent pas la démocratie et simulent celle-ci. Comme il a été constaté au Togo à partir de 2010, l’Ue est conscient de l’instrumentalisation, de la manipulation pour faire de l’observation le contraire de ce qu’elle est censée être. Elle a aussi constaté que le financement de la société civile était aléatoire et risqué[27]. Il n’est pas évident qu’une solution existe.
L’outil des MOE a été conçu comme assez indépendant de la politique européenne, dans une apparence de neutralité, un outil technique dans une ‘niche’ politique décalé s’appuyant sur les parlementaires européens dotés de peu de pouvoir. Une action politique plus ferme serait nécessaire face aux processus électoraux détournés en Afrique, mais l’Ue se retrouve un peu dans la même situation que des organisations humanitaires qui se censurent sur les causes politiques d’un conflit pour pouvoir intervenir de manière humanitaire.
Avec les échecs qui s’accumulent, le constat d’une certaine hypocrisie augmente sans doute la frustration des parlementaires européens, qui deviennent plus exigeants alors que le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) s’appuyant d’abord sur les décisions des Etats membres, semble, lui, devenir de moins en moins exigeant, et parfois simplement désintéressé. La question des processus électoraux détournés en Afrique, en réalité la question d’une possibilité d’assistance aux peuples en danger victimes de criminels électoraux s’appuyant sur des armées, pourrait créer progressivement un clivage dans les institutions européennes, qui ne pourrait alors poser des problèmes pendant les négociations ‘post-Cotonou’ entre 2018 et 2020.
Fin 2017 et début 2018, le SEAE, la Commission européenne, et sans doute certains Etats membres, dont la France, semblent renvoyer la question sur un ‘débat’ entre Union européenne et Union africaine sachant que l’Ua reste assez fortement dominée par les régimes non-démocratiques. Ce débat est peu transparent. En 2018, les thèmes de la démocratie et des élections sont particulièrement gommés par les dirigeants français.
A défaut de pouvoir agir là où cela serait vraiment nécessaire, les MOE-UE se sont montrées utiles dans des démocraties fragiles qui avaient besoin d’observations bien organisées pour améliorer les processus électoraux. 23 MOE-UE ont été organisées dans des pays en démocratie pour 46 scrutins, 21 présidentielles, 19 législatives, 3 locales, 3 élections d’Etats et gouverneurs (Nigéria).
Le processus électoral qui a posé le plus problème a été celui des élections du Kenya en 2007, pour lesquelles circule le chiffre d’un millier de morts dans les violences. Le cas kenyan est exceptionnel en Afrique, il n’existe pas de pays similaire ou proche. Le Kenya a un système démocratique, formellement installé, mais très mal installé, comme mal-compris pour l’instant par des partis et une partie de la population. Les difficultés au Kenya sèment la confusion en Afrique, parce que les crises kenyanes, en ‘démocratie mal installée’, amènent une relativisation d’autres crises qui sont, elles, en dictatures stables, avec des conflits correspondants.
Les missions d’observation européennes jouent pleinement leurs rôles dans les régimes intermédiaires, en ‘transition vers la démocratie’, réelle après la fin d’une dictature ou d’un pouvoir militaire, en instabilité de gouvernement à la suite de guerres ou de coup d’Etat (TCII). 33 MOE-UE ont été organisées en TCII, dans des pays dans les régimes intermédiaires, en transition vers la démocratie ou en instabilité de gouvernement pour 48 scrutins, 21 présidentielles, 21 législatives, 3 locales, 1 élection de chef d’exécutif par un parlement et 2 référendums constitutionnels.
Il est important de distinguer les cas de ‘transition vers la démocratie’ réelle de toutes les formes d’instabilité de gouvernement. Parfois, la distinction est difficile et le classement est contestable sur certains cas (Guinée Bissau 2005, Libéria 2005, Madagascar 2013). Il peut y avoir une forme de reprise ‘transition vers la démocratie’ assez longtemps après la fin d’une dictature, par exemple si un coup d’Etat militaire oblige à ‘réinstaller’ ou réorganiser la démocratie. 13 MOE-UE ont été organisées dans des transitions de la dictature ou d’un court régime militaire vers la démocratie. Dans ces cas, les processus électoraux ont majoritairement été corrects, 16 sur 18. Six pays ont bénéficié des services d’observation européens dans des transitions réussies : Nigéria 1999, Madagascar 2002+2013, Mauritanie 2006+2007 (retour à la dictature ensuite par coup d’Etat), Tunisie 2011+2015, Burkina Faso 2015, Gambie 2017. D’autres transitions peuvent encore se terminer.
La responsabilité de protéger les populations est sérieusement considérée à chaque crise par les diplomates, alors que le droit international électoral n’existe pas. Le risque existe de sacrifier la démocratie en cas de début de violences, par manque d’équilibrage des positions. En l’absence de droit international électoral, l’outil européen des MOE-UE, basé sur des accords entre l’Ue et des Etats demandeurs d’une observation, a posé quelques bases d’un point de vue juridique, qui peuvent être pris en considération, par une cour comme la CPI.
L’observation participe aussi des actions d’influence douce (‘soft-power’) à l’échelle continentale avec des résultats assez peu cohérents aux niveaux nationaux. Les missions d’observations sont particulièrement efficaces en cas d’absence de pouvoir sortant lors des ‘transitions vers la démocratie’ réelles, c’est-à-dire qui sont débarrassées d’un pouvoir résistant aux règles du jeu de la démocratie. Dans les périodes d’instabilité liées à des guerres, des coups d’Etats, des crises électorales, une instabilité de gouvernement, une résistance à une dégradation du mode de gouvernement, de plus en plus autoritaire, arrivent à obtenir des résultats mais accompagnent aussi trop souvent des détournements de processus électoraux et quelques processus ‘involontairement’ très mal organisés. Au Libéria en 2005, au Mali en 2013, au Kenya en 2013, les Moe-Ue ont aidé à retourner vers la démocratie. En période d’instabilité à la suite de guerres, même dans les cas où les processus électoraux ont été détournés (Mozambique 1999, 2003, 2004, Tanzanie 2000, RDC 2006, Libye 2012), les Moe-Ue ont sans doute limité les conflits.
Malgré, le manque de résultat en dictature et en suite de guerre, les Moe-Ue continueront sans doute d’aller dans des pays dans tous les types de régimes, traversant une grande variété de situations. Le bilan actuel pourra aussi évoluer dans l’avenir en fonction d’autres paramètres, en particulier en fonction de la force des oppositions dans les pays non-démocratiques.
3.32 Autres missions d’observations internationales
L’OIF possède une expertise mais se confronte à l’influence des dictateurs africains. Les actions continuent actuellement sous la forme de soutien par des missions techniques, en particulier sur des audits de fichiers électoraux, par exemple en Guinée, à Madagascar, en RDC. En dictature stable, la dernière action importante a été l’action d’une mission au Togo en 2015 lors de la présidentielle, où l’expert de l’OIF, le général malien Sangaré a constaté les fraudes sur les procès-verbaux lors de la compilation de la CENI. L’OIF n’est pas une institution incluse sous la hiérarchie des Nations-Unies avec une application des principes de complémentarité et de subsidiarité. Elle existe dans la communauté internationale comme une institution auxiliaire, ce qui limite l’importance de ses actions, et peu parfois lui faciliter des interventions de conseil.
Aux USA, la Fondation Carter assure des missions d’observations complémentaires. Plus rarement, l’Institut National Démocratique (NDI) envoie des missions d’observations. Des organisations de société civile africaine peuvent aussi mener des observations. Les missions d’observations complémentaires peuvent être facilement débordées par l’ampleur de la tâche et être incluse dans une manipulation du pouvoir. Si elles sont trop techniques, elles se confrontent au refus des régimes de se démocratiser et constatent a posteriori leur impuissance malgré tous leurs efforts.
3.33 ‘Missions d’observation’ de l’Union africaine
L’année 2016 avec ses 4 inversions de résultats au Congo Brazzaville, à Djibouti, au Tchad et au Gabon, a rappelé que l’Union africaine restait sous influence de chefs d’Etat jamais élus démocratiquement. Pour l’instant, les ‘Missions d’observation’ de l’Union africaine ne sont pas des missions d’observation pour la démocratie. Elles simulent et imitent une observation positive. L’Ua a donc encore la possibilité de créer dans l’avenir un véritable outil de soutien à la démocratisation. Un abandon par l’Ua de la position de soutien de principe des régimes non-démocratiques, marquerait symboliquement le passage à une majorité de démocraties.
Si les principes de subsidiarité et de complémentarité étaient appliqués entre Ua et Ue (et Onu) dans le domaine électoral, le processus de démocratisation africain prendrait encore du retard et le nombre de conflits augmenterait. Dans le domaine électoral, Ue et Ua sont face à face, face à des contradictions, que ne peuvent cacher la courtoisie diplomatique[28]. En 2018, le début de la renégociation des accords de Cotonou dont dépend l’utilisation de l’aide européenne à plus long terme. La question d’une conditionnalité de l’aide liée à la qualité des processus électoraux se pose.
3.4 Prise en compte politique des processus techniques fonction d’un historique
La question des processus électoraux était au départ technique et aurait dû rester technique en l’absence d’une accumulation de faits criminels et d’un passif historique de ‘complicité’ complexe. Cette accumulation a fait qu’il est difficile de l’aborder politiquement au niveau diplomatique. Pourtant, les dirigeants démocratiques et les fonctionnaires des pays démocratiques concernés ont constamment des choix à faire face à des situations où apparaissent visiblement des violations du droit.
Malgré une apparente complexité, les processus électoraux en Afrique obéissent à des règles et se comprennent par l’analyse comparée et la classification. L’observation des processus incorrects indiquent que la démocratie ne progresse pas au niveau des élections en Afrique, ce qui confirme aussi le blocage vers 2005 du processus de démocratisation continental initié en 1990. Les dictatures s’appuyant sur les anciens partis uniques ont résisté et se sont camouflées derrière des processus électoraux factices. Une partie d’entre elles a chuté, il reste aujourd’hui les plus résistantes, fortifiées par l’accumulation des richesses, déterminées à échapper aux prix à payer pour les crimes eux-aussi accumulés.
Le respect de la souveraineté est au cœur des débats de gestion des crises. L’ingérence est décriée par des dirigeants africains parmi les moins représentatifs des populations. Il s’est établi sans jurisprudence claire un équilibre entre principe de souveraineté et responsabilité de protéger. A l’échelle de l’Afrique, la priorité à une souveraineté diplomatique attribuant de la légitimité à des chefs d’Etats quelle que soit la nature du régime, empêche aussi la diffusion de valeurs démocratiques. Par défaut, elle pousse à l’immobilisme.
La communauté internationale hésite à soutenir les processus électoraux en Afrique en dehors de l’influence douce des missions d’observations, et joue avec parcimonie un rôle d’arbitre. Le soutien des démocrates est encore faible, timide, limité par les collaborations avec des dirigeants non-démocratiques. Ces collaborations, y compris militaires, elles aussi posent problèmes.
Le silence des dirigeants africains démocratiquement installés se remarque encore plus. Il faut saluer le courage du président botswanais Ian Khama, rare président africain engagé sur les principes démocratiques en dehors de son pays. La pauvreté ou la fragilité des régimes démocratiques apparaissent. Des fonctionnaires africains s’investissent mais ils et elles sont encore peu visibles.
Même sans liste précise, une certaine ‘reconnaissance’ internationale, en attendant une reconnaissance plus africaine, même partielle, de l’existence des dictatures permettrait d’arriver plus facilement à des élections incontestables. Une cour de justice comme la CPI a conduit plutôt à l’inverse de cette reconnaissance, parce qu’il y a peu de rapports entre la présence des dictatures stables et la possibilité de juger des dirigeants pour des crimes. Le droit international à partir du statut de Rome n’a pas fait avancer la question.
Le continent est arrivé, pour quelques années, à la période charnière de l’équilibre continental entre nombre de démocraties et de dictatures stables. L’objectif de la suppression des conflits armés en Afrique est concomitant, sa réalisation libérerait la visibilité des conflits électoraux d’accession au pouvoir. Les politiques internationales vont peu à peu montrer leurs limites et leurs contradictions, leur manque de neutralité, trop d’acteurs africains étant ‘juges et parties’, ou plutôt ‘juges et accusés’.
L’impunité des crimes électoraux, bien rodée depuis 1990, maintenant généralisée, permet des prolongations des régimes dictatoriaux dans une apparence de légalité. Les démocrates sont peu soutenus, entre autres, parce qu’il n’existe aucun droit international et-ou africain dans le domaine des processus électoraux. A l’équilibre continental, plus de rigueur et de fermeté dans le soutien international des principes démocratiques et d’Etat de droit permettraient d’éviter de nouvelles crises et nouveaux délais dans des processus historiques inéluctables.
Pour l’instant, les moyens extérieurs pour aider à renforcer la qualité des processus électoraux dépendent d’une volonté politique supranationale exprimée cas après cas et, d’une manière générale sur plusieurs années, de l’ensemble des déclarations, actions diverses, sanctions. Jusqu’à présent, il a manqué de volonté de sortir du cas par cas, de la gestion de crise a posteriori, pour aller vers une diplomatie préventive, qui pourrait dans le futur s’appliquer de façon continentale et pas seulement nationale. Dans ce manque de volonté politique internationale et africaine, le verrou positionné au sommet de l’Ua pèse de plus en plus lourd.
Les chefs d’Etat des dictatures avaient trouvé la solution pour s’intégrer dans les relations internationales, organiser de fausses élections, qui sont maintenant examinés comme des processus électoraux détournés de manière criminelle, même si le droit fait défaut. Pour les Nations-Unies, l’Union européenne, certains dirigeants africains positivement influents à l’Union africaine, des dirigeants d’Etats membres européens, se pose de plus en plus la question de s’affirmer du côté des populations et de s’éloigner de dirigeants qui s’étaient intégré dans la vie politique internationale en dissimulant des crimes électoraux et l’absence de légitimité démocratique à leur présence dans cette vie politique internationale.
Constamment, à partir des questions techniques dans les processus électoraux, les choix sont politiques. Nature du régime et valeur des processus électoraux étant étroitement liées, les confrontations électorales n’arrêtent pas de renvoyer à un non-dit sur la nature des régimes et ainsi reposent constamment la question de la vérité ou du mensonge dans l’influence extérieure. Les relations internationales en souffrent. Actuellement, cela génère des stratégies de dédouanement compensatoires énergivores et des clivages dans les approches géographiques.
De l’extérieur, il est possible de retarder certains choix, d’adopter des stratégies d’influence et de contournement des difficultés principales, en évitant de créer des confrontations inadaptées qui bloquent des processus de résolution, mais la nécessité des choix définitifs au travers de positions de principes concernant la possibilité d’une fin des régimes dictatoriaux trouvant, pour la plupart, leurs origines dans les partis uniques de l’époque de la guerre froide, cette nécessité reste présente, et, en particulier, déterminera en partie la suite de la relation entre l’Afrique et l’Europe.
Conclusion
Les régimes dictatoriaux ont appris depuis 1990 à maîtriser la technique des processus électoraux, suffisamment pour ce à quoi ils leur servaient. Les oppositions ont aussi progressé et les attaquent plus durement. Ces régimes dictatoriaux continuent d’apprendre à détourner les processus électoraux par de nouvelles manières. En 2016, ils ont réussi à imposer facilement des inversions de résultats. Ils progressent dans le spectacle de la communication internationale et africaine pour éviter d’avoir à accepter les règles du jeu démocratique.
Quand il n’y a pas de président sortant ou de partis au pouvoir incompatibles avec la démocratie, avec des efforts, les processus électoraux sont de plus en plus corrects[29]. La possibilité hors dictature d’améliorer les processus électoraux pourra être visible dans l’avenir en dehors des dictatures, dans des pays où il sera plus aisé d’agir pour améliorer la qualité des processus électoraux, en particulier grâce à des missions d’observation. Malheureusement, la confusion sur les processus électoraux en démocratie fragile et les processus électoraux en régime jamais démocratisé a été très visible en 2017 et les chefs d’Etat non-démocratiques auront la possibilité d’en profiter, en profitant également de l’écart de perception entre Afrique francophone et Afrique anglophone.
En particulier, les efforts en 2017, à partir de la présidentielle gabonaise de 2016, sur les contrôles des résultats par des cours constitutionnelles et suprêmes, même s’ils sont très bénéfiques, risquent de tourner à l’avantage des régimes dictatoriaux, si la communauté internationale et africaine choisit de continuer à ne pas considérer les processus électoraux de bout en bout, et à ne pas reconnaître que la majorité des processus électoraux sont détournés en amont, alors que les inversions de résultats en fin de processus restent peu nombreux.
Dans ce contexte, l’application de limitations du nombre de mandats présidentiels reste un levier essentiel de la démocratisation de l’Afrique. L’outil des missions d’observation électoral a également fait les preuves de son efficacité dans certaines conditions. Pour l’instant, seule l’Union européenne a acquis une expérience suffisante et une crédibilité dans les situations de transitions vers la démocratie ou de période d’instabilité, malgré des erreurs et des difficultés dans les pays non-démocratiques.
Ces missions d’observation amènent aussi à comparer le contexte de l’organisation des élections et à constater l’écart dans la nature des régimes politiques, selon qu’un régime démocratique ait déjà été installé ou non. Un effort dans l’expression de la distinction des différents types de régime en fonction de leur avancement vers la démocratie est indispensable pour que la communauté internationale et africaine puisse prendre position sans hypocrisie sur les processus électoraux et aider à empêcher que des pouvoirs installés en dehors de processus électoraux crédibles ne perdurent en augmentant la répression contre des forces démocratiques.
En 2018, la relation entre l’Union européenne et l’Union africaine est à un tournant. La renégociation des accords de Cotonou s’amorce et l’utilisation de l’aide européenne à plus long terme en dépend. La question d’une conditionnalité de l’aide liée à la qualité de processus électoraux se pose en arrière-plan et pour l’instant de manière peu transparente. Les dirigeants non-démocratiques africains, aidé par l’exécutif de l’Union africaine et peut-être, au pire, soutenu par certains dirigeants européens, feront le maximum pour neutraliser politiquement l’accord qui remplacera celui de Cotonou et d’empêcher l’application de règles contraignantes sur les processus électoraux, en décalage de plus en plus visible avec les exigences des populations.
La fausse démocratie des processus électoraux détournés renforce un réseau de dictatures, solidaires entre elles à l’échelle continentale, créant un blocage historique. Le soutien réel de la démocratie en Afrique nécessiterait une action politique efficiente autour de la technique des processus électoraux, action politique internationale impliquant les acteurs africains, sans hypocrisie et propagande qui camoufleraient le fonctionnement déplorable et rétrograde actuel d’une institution comme l’Union africaine et l’influence de chacun des présidents jamais élus qui se croisent dans les couloirs à New-York, à Paris ou à Addis-Abeba.
Régis Marzin
Paris, 4 février 2018, version résumée le 12 avril 2018
Annexe : Recommandations à l’Union européenne et au SEAE
Recommandations dossier ‘Sommet UA–UE et qualité des processus électoraux en Afrique’, Marzin, 27.11.17
Recommandations issues des travaux du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique dans sa lettre à Emmmanuel Macron du 2 juin 2017[30] et améliorées par Régis Marzin le 27 novembre 2017.
Au sujet des élections qui suivront dans des pays non-démocratiques et sans alternance,
- Veiller à ce que les Etats-membres de l’Ue s’engagent dans un soutien sans ambiguïté à la démocratisation des Etats africains, en encadrant l’influence militaire en période de lutte contre le terrorisme, dans une approche globale intégrant le soutien de la « démocratie et de l’état de droit », au même titre que le « développement », et « la paix et la sécurité »,
- Renforcer l’engagement de la politique européenne dans un soutien accru à la démocratie en Afrique, dans cette même approche globale équilibrant les trois grands pôles, politique de défense et sécurité, politique de développement économique et politique de soutien à la démocratie et à l’Etat de droit,
- Veiller avec les Etats-membres de l’Ue à ce que la lutte contre le terrorisme ne soit utilisée au profit de régimes non-démocratiques et à ce que la coopération militaire des Etats-membres de l’Ue soit associée à la fonction présidentielle et dissociée d’un président en particulier[31] surtout en absence d’alternance démocratique, en particulier au Tchad,
- Engager la diplomatie européenne dans le soutien de la démocratie en Afrique centrale, pour faciliter une sortie de la crise régionale électorale de l’Afrique centrale, suite à la succession en 2016, lors de présidentielles, de trois inversions de résultats à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats, au Congo Brazzaville, au Tchad et au Gabon,
- Prendre des initiatives pour que les processus électoraux des législatives au Gabon, à Djibouti, au Togo, au Cameroun, en Mauritanie et au Tchad, soient organisés dans le respect des règles de la démocratie, en insistant en particulier sur le découpage des circonscriptions au niveau desquels existent des déséquilibres géographiques anormaux, sources probables d’inversions de majorité[32],
- Promouvoir la nécessité de conditions préalables indispensables à un processus électoral :
- absence de répression de l’opposition,
- état de droit préalable minimum : liberté de la presse, liberté de manifester, liberté de s’organiser pour la société civile et les partis politiques,
- dialogue inclusif avec l’opposition,
- consensus sur la composition d’une Commission électorale indépendante neutre,
- consensus sur la méthode de fabrication du fichier électoral,
- possibilité de contestation légale auprès d’une Cour indépendante incontestée,
- Exiger un strict respect des droits humains,
- Soutenir les oppositions politiques face à des propositions de dialogue avec le pouvoir dans des conditions unilatéralement fixées par ce pouvoir alors que celui-ci refuse les règles de la démocratie,
- Prendre globalement position sur l’absence d’alternance et de qualité des processus électoraux dans les pays sans limitation du nombre de mandats présidentiels, en particulier dans les pays où se préparent des scrutins probablement non-démocratiques,
- Nommer des envoyés spéciaux ou diplomates ayant mandat de travailler à la démocratisation de l’Afrique pour des négociations internationales inclusives et transparentes, tant que l’absence de démocratie générera des conflits qui impliqueront la communauté internationale,
- Proposer en amont pour prévenir les crises électorales un accompagnement international du processus électoral mixte politique et technique, en plus des Missions d’observations électorales,
- Eviter de cautionner toute dérive vers de la fausse légalité basée sur de la fausse légalité préalable, entre autres, en donnant de la valeur à des institutions comme les Cours constitutionnelles de pays sans alternance et sans démocratie réelle,
- Face au non-respect des conditions préalables indispensables à un processus électoral et en cas de processus électoral en dehors des règles démocratiques, considérer les possibilités de sanctions selon l’article 96 de l’Accord de Cotonou, dans le sens d’une conditionnalité partielle de l’aide associée à la qualité des processus électoraux, n’affectant pas directement les populations,
- Rendre plus transparent l’action des Missions d’expertise électorale, en particulier en publiant les rapports de ces missions,
- Tenir compte des inversions de résultats des scrutins, présidentiels ou législatifs, de l’historique des élections depuis 1990, dans le traitement diplomatique et politique des processus électoraux.
Concernant l’Union africaine (Ua) et sa relation avec l’Union européenne et les Nations-Unies,
- Considérer les capacités de l’Ua à intervenir, au travers de ses Missions d’observations et envoyés spéciaux lors de crises, en fonction de l’état d’avancement du processus de démocratisation du continent africain, et de l’équilibre du moment entre régimes démocratiques et régimes non-démocratiques,
- Avec l’Onu, éviter que les principes de subsidiarité et de complémentarité appliqués entre l’Ua, l’Ue et l’Onu ne soient détournés pour soutenir des régimes non-démocratiques au cours de processus électoraux détournés, en amont, le jour du vote, ou d’élection au résultat inversé à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats,
- Proposer à l’Ua un dialogue sur la qualité technique des processus électoraux, en considérant par une méthode inclusive les demandes des partis d’opposition pour accélérer la démocratisation du continent, et y associer le Parlement européen,
- Mettre au calendrier des négociations internationales sur le respect de la qualité des processus électoraux en Afrique, en particulier sur l’indépendance et le caractère inclusif et technique des Commissions électorales, la qualité des fichiers électoraux, la qualité de la compilation des résultats issus des procès-verbaux, la possibilité de contestation légale auprès de Cours indépendantes incontestables, et la mise en œuvre d’accompagnements internationaux mixte politique et technique,
- Répondre positivement à la proposition du Parlement européen[33] sur « l’organisation d’une conférence conjointe de haut niveau Ua-Ue sur les processus électoraux, la démocratie et la gouvernance en Afrique » (et « en Europe » selon la formule du parlement européen),
- Répondre positivement à la proposition du Parlement européen[34] de discuter avec l’Ua d’« étendre la conditionnalité de l’aide au développement (au) strict respect » de « la bonne gouvernance, la démocratie, l’état de droit, le respect des droits (humains), (et) la lutte contre la corruption »,
- Dans les négociations avec l’Ua, proposer des mesures pour empêcher les inversions de résultats de présidentielle à la compilation des procès-verbaux et à la publication des résultats, proposer à l’Ua de promouvoir l’obligation de la publication et la vérification incontestable des procès-verbaux détaillés. En cas d’inversion probable, prévenir les violences, tenter d’empêcher un blocage définitif du processus de démocratisation, par un accompagnement politique ferme des Nations-Unies, de l’Ua, de l’Ue et des Etats membres de l’Ue, généraliser la procédure de consultation prévue dans l’accord de Cotonou, y compris à l’article 96 à tous les cas d’inversion de résultat probable suffisamment constaté,
- Dans les négociations avec l’Ua, exiger une amélioration des Missions d’observations électorales de l’Ua et un arrêt des missions soutenant des dirigeants lors d’élections non-démocratiques,
- Dans le cadre de négociations internationales, reconsidérer la Responsabilité de protéger les populations dans le cas des conflits électoraux pour éviter que la crainte d’un alourdissement du bilan des victimes ne conduise à accepter le maintien d’un régime non-démocratiques au travers d’une élection fraudée ou au résultat inversé ou à accepter un recul dans la qualité des processus électoraux en régime démocratique,
- Promouvoir constamment les Missions d’observations de l’Union européenne et veiller à ce qu’elles ne soient pas rejetées des pays sans démocratie.
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Notes de bas de page
[1] https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/07/05/les-elections-sans-democratie-de-mars-et-avril-2016-en-afrique/#_Toc455424807
[2] Les élections sans démocratie de mars et avril 2016, Régis Marzin, 5.7.16, 3., https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/07/05/les-elections-sans-democratie-de-mars-et-avril-2016-en-afrique/#_Toc455424807, https://electionsafrique.wordpress.com/2016/05/04/congo-brazzaville-djibouti-tchad-le-cercle-vicieux-des-processus-electoraux-sans-democratie/
[3] 2016 : Année des coups d’Etat électoraux en Afrique, R.Marzin, 27.4.17, 1.4 https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083368, https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083353
[4] https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/03/30/apres-26-ans-de-democratisation-dictature-et-democratie-bientot-a-lequilibre-en-afrique/#_Toc447135216
[5] Après 26 ans de démocratisation, dictature et démocratie bientôt à l’équilibre en Afrique, 6.2, Régis Marzin 30 mars 2016, https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/03/30/apres-26-ans-de-democratisation-dictature-et-democratie-bientot-a-lequilibre-en-afrique/#_Toc447135216
[6] 2.5 https://regardexcentrique.wordpress.com/2018/01/14/democraties-et-dictatures-en-afrique-bilan-2017-et-perspectives-2018/#_Toc503697969
[7] Marzin, 2.5 : https://regardexcentrique.wordpress.com/2018/01/14/democraties-et-dictatures-en-afrique-bilan-2017-et-perspectives-2018/#_Toc503697969
[8] https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/03/30/apres-26-ans-de-democratisation-dictature-et-democratie-bientot-a-lequilibre-en-afrique/
[9] R.Marzin, règle partie 6.5.2 30.3.16 : https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/03/30/apres-26-ans-de-democratisation-dictature-et-democratie-bientot-a-lequilibre-en-afrique/#_Toc447135229, R.Marzin, 27.4.17, https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083376, Exceptions partie 3.5 27.4.17 : https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083399
[10] Marzin, 2.5 : https://regardexcentrique.wordpress.com/2018/01/14/democraties-et-dictatures-en-afrique-bilan-2017-et-perspectives-2018/#_Toc503697969
[11] Marzin, 2.22, https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083378
[12] https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083438
[13] https://regardexcentrique.wordpress.com/2012/08/04/calendrier-des-elections-en-afrique/#4
[14] https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/10/05/limitations-du-nombre-de-mandats-en-afrique-synthese-historique-et-bilan-2017/#_Toc495006200
[15] Marzin, 21.11.17 https://regardexcentrique.files.wordpress.com/2012/08/171121electionsafrique-synthesecalendrier2017-2022.pdf
[16] Kenya : discordances entre technique électorale et discours politiques extérieurs Régis Marzin, 19 septembre 2017, https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/09/19/kenya-discordances-entre-technique-electorale-et-discours-politiques-exterieurs/
[17] Marzin 2.262 : https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083382
[18] http://www.hch24.com/actualites/11/2014/djibouti-le-deces-de-feu-aden-robleh-awaleh-mort-naturel-ou-assassinat/
[19] https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/07/05/les-elections-sans-democratie-de-mars-et-avril-2016-en-afrique/
[20] Marzin, https://regardexcentrique.wordpress.com/2015/06/10/la-biometrie-electorale-en-afrique-dossier/
[21] Exemple du Togo en 2013 : https://regardexcentrique.wordpress.com/2013/07/16/togo-faure-est-il-encore-fort-de-ses-amis/
[22] https://regardexcentrique.wordpress.com/2016/07/05/les-elections-sans-democratie-de-mars-et-avril-2016-en-afrique/
[23] Marzin 2.3 https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083384
[24] https://regardexcentrique.wordpress.com/2017/04/27/2016-annee-des-coups-detat-electoraux-en-afrique-et-democratisation-de-lafrique-depuis-1990/#_Toc481083377
[25] Extraits étude 15.12.17 ‘Constitutions et limitations nombre de mandats présidentiels en Afrique : synthèse historique et bilan 2017’
[26] https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/16679/list-eu-eom-and-eem-missions-1993-2017_en, erreur Togo 2012, rapports à partir Congo B 2002
[27] https://regardexcentrique.wordpress.com/2015/05/04/togo-une-mascarade-electorale-de-plus-une-mascarade-electorale-de-trop/
[28] 27.1.18 Directeur Afrique SEAE, Koen Vervaeke au Sommet Ua: https://twitter.com/shammad100/status/957182661780492288
[29] https://regardexcentrique.wordpress.com/2018/01/14/democraties-et-dictatures-en-afrique-bilan-2017-et-perspectives-2018/#_Toc503697969
[30] Lettre à E.Macron, 2 juin 2017 : https://electionsafrique.wordpress.com/2017/06/02/politique-francaise-et-qualite-des-processus-electoraux-en-afrique-lettre-ouverte-a-emmanuel-macron/
[31] confusion entre personnalité et fonction présidentielle confusion entre personnalité et fonction présidentielle
[32] Source suffisante et très probable d’inversion de la majorité pour le Congo Brazzaville, le Gabon, le Togo, le Cameroun et le Tchad.
[33] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0448+0+DOC+XML+V0//FR
[34] http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0448+0+DOC+XML+V0//FR
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