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Congo Brazzaville – Coup d’Etat constitutionnel – Lettre ouverte à l’Ue + réponse

15 octobre 2015

Congo Brazzaville – Coup d’Etat constitutionnel – Lettre ouverte à l’Union européenne

Lire la lettre en format PDF

Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique, Paris.

http://www.electionsafrique.wordpress.com

Paris, le 15 octobre 2015

Mme Federica Mogherini, UE – Service Européen Action Extérieure, 242 rue de la Loi, 1049 Bruxelles, Belgique

Lettre ouverte à l’attention de Mme Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎, vice-présidente de l’Union européenne

Objet : Demande d’action urgente de l’Union européenne face au coup d’Etat constitutionnel au Congo Brazzaville

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Madame la Haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎,

En raison du grand nombre de présidentielles et législatives en Afrique en 2015 et 2016[1], l’Union européenne a l’opportunité de relancer la relation Europe-Afrique vers plus d’efficacité et de résultats dans le soutien à la démocratie[2]. La limitation du nombre de mandats présidentiels[3], souvent évoquée par la diplomatie américaine, abordée par le président français au Sommet de la Francophonie de Dakar le 30 novembre 2014, puis par le secrétaire général des Nations-Unis au sommet de l’Union africaine le 30 janvier 2015[4], est progressivement en train de s’imposer comme levier pour accélérer la démocratisation dans les Grands lacs et en Afrique centrale.

Au contraire de ce potentiel effet positif, si la limitation du nombre de mandats présidentiels est bafouée par un coup d’Etat constitutionnel, le processus de démocratisation d’un pays est arrêté pour plusieurs années et la construction de l’Etat de droit recule brutalement. Comme l’a rappelé le 8 octobre 2015, à propos du Burundi, l’envoyé spécial des États-Unis pour la région des Grands Lacs, Tom Perriello, en invitant les chefs d’Etats de « République du Congo, de République démocratique du Congo et au Rwanda » à une « passation de pouvoir pacifique » pour « aider la région à tourner la page après des décennies d’instabilité »[5], la question est régionale et implique une intervention de la communauté internationale cohérente sur les 4 pays concernés.

En avril 2015, la campagne de la société civile ‘Tournons la Page’, dans son rapport ‘En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance’[6], recommandait de « faire établir une liste nominative des personnalités impliquées dans les manipulations constitutionnelles et de prendre des sanctions à leur encontre, si possible de façon coordonnée au plan européen : entre autres, gel et surveillance des avoirs à l’étranger, interdiction de visa, annulation des titres de séjour ». En adoptant le premier octobre 2015, « des restrictions en matière de déplacements et un gel des avoirs à l’égard de quatre personnes, dont les actions compromettent la démocratie ou font obstacle à la recherche d’une solution politique à la crise actuelle au Burundi »[7], pour préserver la paix et éviter la régression de l’Etat de droit, le conseil de l’Ue a agi suite à la crise provoquée par le troisième mandat de Pierre Nkurunziza.

Cependant, une des leçons de la crise au Burundi concerne les pressions et sanctions internationales : la crise était prévisible et les pressions sur Pierre Nkurunziza, aboutissant à des sanctions en aval, ont eu peu d’effet sur la logique de la crise. Aujourd’hui les sanctions européennes décidées après les élections tentent d’appuyer un dialogue alors que le président a déjà terminé d’utiliser la constitution pour des objectifs personnels. C’est pourquoi, il est légitime de questionner le moment de l’intervention européenne. Au Congo Brazzaville, la communauté internationale pourrait réagir en amont pour participer à prévenir la crise.

Le 22 septembre 2015, Sassou Nguesso a annoncé la décision de changer la Constitution de 2002[8] pour supprimer la limitation à deux mandats de l’article 57 et la limite d’âge de 70 ans de l’article 58, alors que cette constitution, stipule dans son article 185 que l’article 57 ne peut faire l’objet d’aucune révision. Le 5 octobre, le conseil des ministres a programmé un référendum constitutionnel le 25 octobre. Le débat parlementaire à l’Assemblée nationale et au Sénat, qui aurait dû être préalable a été glissé entre le 5 et le 25 octobre et devrait être sans effet. Les Cours constitutionnelle et suprême, consultées sur l’article 110-3 et la capacité pour le parlement d’avoir « l’initiative des référendums concurremment avec le président de la République », mais dont les membres n’ont jamais été renouvelés et n’ont jamais déclaré leur patrimoine et qui de ces faits sont illégalement constituées, ont aidé le président à maquiller la modification interdite en changement de constitution. Le changement de constitution est manifestement illégal et non conforme à la constitution, aucune raison ne justifie les changements si ce n’est la volonté du président de s’accaparer un pouvoir à vie.

Par ailleurs, même s’il n’a pas ratifié le traité, le Congo Brazzaville est signataire de la Charte africaine de la démocratie[9], des élections et de la gouvernance[10], dont l’article 23 (alinéa 5) interdit « toute révision des Constitutions qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique ». Le coup d’Etat constitutionnel se réalise alors que les démocrates n’ont aucun espoir d’obtenir un processus électoral crédible à la présidentielle de 2015. Le pays n’a connu que des mascarades électorales sous le règne du président actuel qui cumulent 31 ans de pouvoir. Le 2 octobre 2015,  la Délégation de l’Union européenne, les Chefs de missions diplomatiques des Etats membres et le Chef de mission diplomatique des Etats Unis d’Amérique ont déclaré[11] qu’ils  « soutiennent la Charte africaine de la démocratie, des  élections  et  de  la  gouvernance  dans  toutes  ses  dispositions » mais renvoie paradoxalement l’opposition à une négociation sur le processus électoral, suivant ainsi la position du Ministère des Affaires étrangères français[12]. Cette position joue définitivement contre le processus de démocratisation puisqu’en réalisant son coup d’Etat constitutionnel, Sassou Nguesso indique clairement qu’il sera impossible d’échapper à un processus électoral frauduleux et hors normes.

Quelques semaines après les violences du Burundi, alors que la population congolaise reste très marquée par le conflit de la prise de pouvoir de Sassou Nguesso entre 1997 et 1999, les chars de l’armée circulent maintenant dans les villes. Les hommes du Général Jean-François Ndenguet, Directeur Général de la Police Nationale, en place depuis 1997[13], participent à la stratégie d’intimidation des forces démocratiques. Après la manifestation du 27 septembre à Brazzaville, première manifestation autorisée depuis le retour de Sassou Nguesso en 1997, où plus de 25 000 personnes sont sorties dans la rue, des meetings et manifestations se multiplient. Le 6 octobre 2015, les partis politiques réunis dans les coalitions Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel et l’alternance démocratique (FROCAD) et Initiative pour la démocratie au Congo (IDC) ont indiqué dans un communiqué qu’«il n’y aura pas de vote référendaire au Congo »[14] et depuis des mots d’ordre de désobéissance civile circulent, d’autant plus que les populations burkinabé viennent une seconde fois de montrer l’exemple à l’Afrique, d’autant plus que les déclarations de la communauté internationale ont insufflé un certain espoir. Les arrestations de leaders ont commencé le 10 octobre[15]. De nombreux éléments annoncent une crise violente.

Le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique invitait en février 2015[16] l’Union europénne à « anticiper puis se saisir de l’urgence des crises électorales » pour « structurer sur le long terme les relations entre les deux continents ». Sachant que la suppression de la limitation de mandat va provoquer un conflit au Congo Brazzaville, dans la continuité historique de l’accession violente de Sassou Nguesso en 1997, le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique, recommande à l’Union européenne de:

  • soutenir de toute urgence les démocrates congolais dans leur exigence de respect de la constitution du 20 janvier 2002,
  • d’agir auprès des Nations Unies, de l’Union africaine, des Etats membres européens, pour tenter d’empêcher la tenue d’un référendum constitutionnel le 25 octobre,
  • de subordonner la coopération européenne avec le Congo Brazzaville au respect de la constitution de 2002, en « entamant les procédures de consultation prévues dans l’accord de Cotonou, y compris à l’article 96 »,
  • d’adopter « des restrictions en matière de déplacements et un gel des avoirs à l’égard » des personnalités congolaises impliquées dans le changement de constitution,
  • de prendre position sur l’absence d’alternance et de qualité des processus électoraux dans les pays sans limitation du nombre de mandats présidentiels, en particulier dans les dictatures où se préparent très probablement des scrutins non démocratiques en 2016, à savoir l’Ouganda, Djibouti, le Tchad, le Gabon, l’Angola, la Guinée Equatoriale et la Gambie[17].

Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique, Paris, le 14 octobre 2015

Signataires (10) : Fédération des Congolais de la diaspora (FCD), Balai Citoyen France (Burkina Faso), Union pour le Salut National (USN, Djibouti), Alliance Nationale pour le Changement Ile-de-France (ANC-IDF, Togo), Réagir (Gabon), Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise (CODE, Bruxelles), Forces vives tchadiennes en exil, Amicale panafricaine, Parti de Gauche, Europe Ecologie les Verts (EELV).

Copie :

– M. Ban Ki-Moon, Secrétaire général des Nations unies

– Mme Fatou Bensouda, Procureur de la Cour pénale internationale

– Mme Michaëlle Jean, Secrétaire générale de la Francophonie

– Mme Hélène le Gall, M. Thomas Mélonio, conseillers Afrique de la présidence française

– M. James Duddridge, ministre de l’Afrique du gouvernement du Royaume Uni

– M. Günter Nooke, délégué pour l’Afrique auprès de la chancelière allemande

– M. Neven Nimica, commissaire au Développement de l’Union européenne.

– M. Nicholas Westcott, Directeur Général du Département Afrique du SEAE

– M. Hans-Peter Schadek, directeur Afrique Centrale et de l’Ouest du SEAE

– M. Silvio Gonzato, directeur Droits humains et démocratie du SEAE

– M. Pierre Amilhat, responsable Afrique Centrale et de l’Ouest auprès du commissaire au Développement

– M. Elmar Brok, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement Européen

– Mme Linda Mac Avan, présidente de la commission Développement du Parlement Européen

– Mme Elena Valenciano, présidente de la commission Droits humains du Parlement Européen

– M. Gary Quince, ambassadeur de l’Union européenne à l’Union africaine

– M. Marcel Van-Opstal, ambassadeur de l’Union européenne au Congo Brazzaville

[1] sans 2 scrutins le 30.6.15 au Sud Soudan peu crédibles, Synthèse agenda des élections en Afrique 54 pays 2015-2016 : https://regardexcentrique.files.wordpress.com/2012/08/141215syntheseagendalectionsafrique2015-2016limitationnombremandats.pdf

[2] 9 propositions à l’Union européenne pour soutenir la démocratisation en Afrique, 23.2.15, lettre du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique, http://www.electionsafrique.org/Lettre-9-propositions-a-l-UE-pour.html

[3] Campagne des ONG Tournons la page http://tournonslapage.com/, Régis Marzin 15.10.14, ‘En 2015 et 2016, la limitation du nombre de mandats des présidents africains, un levier pour accélérer la démocratisation?https://regardexcentrique.wordpress.com/2014/10/16/en-2015-et-2016-la-limitation-du-nombre-de-mandats-des-presidents-africains-un-levier-pour-accelerer-la-democratisation/

[4] « Je partage les craintes émises vis-à-vis des dirigeants qui refusent de quitter leurs fonctions à la fin de leur mandat. Les changements de Constitution non démocratiques et les vides juridiques ne devraient pas être utilisés pour s’accrocher au pouvoir », 30.1.15 Ban Ki-Moon traduction AFP : http://www.romandie.com/news/Ban-Kimoon-appelle-les-dirigeants-africains-a-ne-pas-saccrocher-au-pouvoir/560686.rom, discours officiel : http://www.un.org/apps/newsFr/storyF.asp?NewsID=34173

[5] http://www.jeuneafrique.com/270555/politique/de-la-necessite-de-respecter-la-limitation-des-mandats-presidentiels/

[6] Cf. Rapport Tournons la page « En Afrique comme ailleurs, pas de démocratie sans alternance ».

[7] http://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2015/10/01-burundi-sanctions/?utm_source=dsms-auto&utm_medium=email&utm_campaign=Burundi%3a+l%27UE+adopte+des+sanctions+%C3%A0+l%27encontre+de+4+personnes, http://www.jeuneafrique.com/268994/politique/burundi-lue-sanctionne-proches-de-nkurunziza-epargne-president-lespoir-dun-dialogue/

[8] « La forme républicaine, le caractère laïc de l’État, le nombre de mandats du président de la République ainsi que les droits énoncés aux titres I et II ne peuvent faire l’objet de révision », http://mjp.univ-perp.fr/constit/cg2002.htm, http://www.presidence.cg/files/my_files/constit200102.pdf

[9] Le président Sassou Nguesso est personnellement signataire.

[10] http://www.achpr.org/fr/instruments/charter-democracy/ratification/

[11] http://eeas.europa.eu/delegations/congo/documents/press_corner/2015/news/aout/02102015_declaration_conjointe_fr.pdf

[12] http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=ppfr2015-09-23.html#Chapitre5 et http://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=ppfr2015-10-06.html#Chapitre7

[13] par ailleurs poursuivi en France pour l’affaire du massacre du Beach : https://www.fidh.org/IMG/pdf/Affbeach400.pdf

[14] http://blogs.mediapart.fr/blog/jecmaus/071015/congo-brazzaville-declaration-des-plate-formes-idc-frocad-suite-lannonce-de-la-tenue-dun-referendum

[15] http://blogs.mediapart.fr/blog/jecmaus/101015/desobeissance-civile-au-congo-brazzaville-arrestation-des-acteurs-de-la-societe-civile

[16] 9 propositions à l’Union européenne pour soutenir la démocratisation en Afrique, 23.2.15, lettre du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique, http://www.electionsafrique.org/Lettre-9-propositions-a-l-UE-pour.html

[17] Synthèse agenda des élections en Afrique 54 pays 2015-2016 : https://regardexcentrique.files.wordpress.com/2012/08/141215syntheseagendalectionsafrique2015-2016limitationnombremandats.pdf

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https://electionsafrique.wordpress.com/

Le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique s’est particulièrement investi sur certains évènements et crises, en mettant l’accent sur les processus électoraux :

Juillet 2015, Togo et politique européenne : Lettre à UE sur Togo et démocratisation de l’Afrique (réponse)
Mai 2015, Togo : Lettre à ONU, UE et OIF : présidentielle et soutien à la démocratisation de l’Afrique
Avril 2015, Togo : Communiqué : Election présidentielle, la démocratie et l’alternance sont-elles possibles ?
Février 2015, UE : 9 propositions à l’Union européenne pour soutenir la démocratisation en Afrique
Février 2015, UE : UE et élections en Afrique en 2015 et 2016 et soutien à la démocratisation
Novembre 2014, Tchad : Répression contre des manifestants et coupure des communications internationales
Octobre 2014, Burkina Faso : Afrique : limitation du nombre de mandats présidentiels, aucune exception n’est plus acceptable
Octobre 2014, Tchad : Soutien à la société civile tchadienne suite à la journée ’ville morte’
Mars 2014, Centrafrique et Tchad : Influence et implication d’Idriss Déby en RCA de mi-2012 à janvier 2014
Janvier 2014, Djibouti : Répression, contentieux électoral et politique européenne
Décembre 2013, Tchad : Dossier d’information sur la réhabilitation impossible d’Idriss Déby
Novembre 2013, Togo : Visite de Faure Gnassingbé à l’Elysée
Octobre 2013, Tchad : Tchad et politique française
Septembre 2013, Cameroun : Elections législatives
Juillet 2013, Sortir de l’influence militaire et engager la politique française dans le soutien de la démocratie
Mai 2013, Guinée Equatoriale : Elections législatives et pétrole
Avril 2013, Togo : Lettre à Laurent Fabius sur l’affaire des incendies
Février 2013, Djibouti, Togo, Cameroun, Guinée C. :  Elections législatives : lettre à Assemblée Nationale
Février 2013, Djibouti : Elections législatives 
Janvier 2013, Togo : Lettre ouverte à l’Union européenne sur élections législatives
Juillet 2012, Congo Brazzaville : Elections législatives
Décembre 2011, Gabon : Dossier d’information sur les élections législatives
Octobre 2011, Cameroun : Election présidentielle : dossier d’information et meeting
2010 : cinquante ans des indépendances : Manifestation le 14 juillet 2010
Mars 2010, Togo : Election présidentielle

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Réponse de l’Union européenne (SEAE) du 19 novembre 2015

Lire la réponse du Chef de division Afrique Centrale du SEAE, Erminia Notarangelo, en PDF.

Le Service européen pour l’action extérieure (SEAE), par la voix d’Erminia Notarangelo, Chef de division Afrique Centrale, à la demande de la  Haute Représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, a répondu le 19 novembre au Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique.

Le SEAE a bien noté les « préoccupations (du collectif) sur l’importance de l’ordre constitutionnel et sur la nécessité d’une alternance démocratique en République du Congo » et tient à l’informer « qu’un dialogue politique structuré est en place, dans le cadre de l’Accord de Cotonou, entre la République du Congo et l’Union européenne, qui aborde les domaines politiques, de la justice et du respect des droits de l’homme. Dernièrement, les questions électorales (calendrier, cartes, listes, et prochaines échéances électorales) et la concertation nationale ont été à l’ordre du jour. »

Ensuite, la réponse renvoie à la déclaration du Porte-parole du SEAE du 22 octobre : « La situation politique en République du Congo et les manifestations suite à l’annonce par le Président Sassou Nguesso de l’organisation d’un référendum constitutionnel comportent des risques pour la stabilité du pays. La liberté d’expression et d’association doit être préservée. La violence ne peut jamais constituer la réponse au défi posé au pays. Un dialogue inclusif est la seule voie pour rétablir un consensus large sur une question d’intérêt national que constitue une révision de la constitution. Ceci doit se faire dans le respect de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance et des engagements pris dans le cadre de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC). Dans ce contexte l’Union européenne soutient pleinement la dernière déclaration de la Présidente de la Commission de l’Union africaine sur les développements en cours en République du CongoL’UE invite le gouvernement et toutes les parties prenantes à mettre en place urgemment les conditions permettant un tel dialogue qui devrait aussi aboutir à une meilleure gouvernance électorale en vue des prochains scrutins. »

Cela renvoie à la déclaration du 21 octobre 2015 de Nkosazana Dlamini Zuma, Présidente de la Commission de l’Union africaine : « La Présidente de la Commission appelle tous les acteurs concernés à faire preuve de la plus grande retenue et à ne ménager aucun effort pour éviter toute évolution de nature à aggraver la situation actuelle et à engendrer l’instabilité. Elle les exhorte à trouver, par le dialogue, une solution à leurs différences, dans le respect des instruments pertinents de l’UA, notamment la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. »

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R * E : Plus d’information

Pétition Tournons la Page : Coup d’État constitutionnel au Congo : François Hollande, sortez de votre silence !

https://secure.avaaz.org/fr/petition/Francois_Hollande_Empechez_le_coup_dEtat_constitutionnel_au_Congo/

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Lettre ouverte de Tournons la Page

LETTRE OUVERTE A M. FRANÇOIS HOLLANDE, PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

« Tournons la Page » demande une condamnation ferme par la France du coup d’État constitutionnel.

Monsieur le Président de la République,

Le 22 septembre 2015, le président Denis Sassou Nguesso a annoncé sa volonté de changer la Constitution du Congo-Brazzaville par référendum, un référendum déjà programmé pour le 25 octobre. Ces décisions à un rythme accéléré, sans même passer par le débat parlementaire préalable, n’ont d’autre objectif que de permettre au président de briguer un troisième mandat, à la faveur du scrutin de mi-2016.

Le changement vise en effet à éliminer de la Constitution deux obstacles à sa candidature : le plafonnement à deux mandats (article 57) et la limite d’âge, fixée à 70 ans (article 58). Or cette Constitution, qu’il a lui-même fait adopter en 2002, stipule dans son article 185 que l’article 57 ne peut faire l’objet d’aucune révision. L’objet du référendum est donc anticonstitutionnel. La consultation d’une Cour constitutionnelle aux ordres ne confère aucune légalité à la mesure.

M. Denis Sassou Nguesso bafoue aussi les engagements régionaux et internationaux signés par la République du Congo, en particulier la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance, dont l’article 23 prohibe « toute révision des Constitutions qui porte atteinte aux principes de l’alternance démocratique » et la Déclaration de Bamako sur les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone de l’Organisation internationale de la Francophonie.

Il faut appeler les choses par leur nom : le président congolais est en train de commettre un coup d’État constitutionnel. Le Parti socialiste français l’a d’ailleurs dénoncé en ces termes , appelant « les Nations Unies, l’Union africaine et l’Union européenne à agir pour empêcher la tenue de ce référendum ». Le 8 octobre, l’envoyé spécial des États-Unis pour la région des Grands Lacs, Tom Perriello, a invité les chefs d’États de « République du Congo, de République démocratique du Congo et au Rwanda » à une « passation de pouvoir pacifique » pour « aider la région à tourner la page après des décennies d’instabilité ».

La France, elle, est silencieuse ou presque. Lors du sommet de la Francophonie à Dakar, le 30 novembre 2014, vous aviez pourtant défini une position de principe claire : « Tous les citoyens des pays où les règles constitutionnelles sont malmenées, où la liberté est bafouée, où l’alternance est empêchée, sauront toujours trouver dans l’espace francophone le soutien nécessaire pour faire prévaloir la justice, le droit et la démocratie ». C’était il y a près d’un an. Ce discours a donné du courage à tous les démocrates du Congo, qui prennent des risques considérables en s’opposant publiquement à la tentative de confiscation de leur Constitution. Malgré la peur de la répression, plus de 20 000 d’entre eux étaient dans les rues de Brazzaville, fin septembre, pour protester contre le coup d’État en cours.

Ces citoyens attendent aujourd’hui « le soutien » que vous leur avez promis. Ce soutien implique d’abord une réaction très ferme de votre part à l’égard du Congo Brazzaville, à la hauteur des enjeux dans les Grands Lacs et en Afrique centrale. Or pour toute réaction française, le Quai d’Orsay se contente d’un rappel allusif à votre discours de Dakar, et d’un appel à « un processus électoral crédible conduisant à des scrutins libres et transparents, dans le respect de l’État de droit et des libertés publiques » – un vœu pieux dans un pays où tous les processus électoraux récents ont été frauduleux.

Au Burundi, les sanctions européennes sont arrivées tard, alors que Pierre Nkurunziza était déjà passé outre l’interdiction d’un troisième mandat. Au Congo Brazzaville, la communauté internationale peut encore réagir avant qu’il ne soit trop tard. C’est pourquoi, les membres de la campagne « Tournons la page », vous demandent instamment :

– de condamner publiquement le changement de Constitution au Congo Brazzaville,

– d’entamer avec le Service européen pour l’action extérieure, l’Union africaine et le Secrétariat général des Nations unies, les discussions sur la coopération avec le Congo Brazzaville et l’accord de Cotonou,

– de faire établir une liste nominative des personnalités impliquées dans ces manipulations constitutionnelles et de prendre des sanctions à leur encontre , si possible de façon coordonnée au plan européen : entre autres, gel et surveillance des avoirs à l’étranger, interdiction de visa, annulation des titres de séjour.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Tournons la Page, le 13 octobre 2015

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